T. COMITI (Tony Comiti Productions) :«La numérisation de nos archives a été une décision stratégique»

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Focus sur Tony Comiti Productions, principal fournisseur indépendant de documentaires, reportages et enquêtes pour les grandes chaînes françaises et internationales

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Le 26 janvier, «Enquête Exclusive» sur M6 diffusera un documentaire intitulé «Ukraine, une jeunesse sacrifiée», réalisé par votre fils, Charles Comiti. Quelles ont été les motivations à l’origine de ce projet ?
Tony COMITI

2025 marque trois ans de guerre en Ukraine. Nous avons couvert ce conflit dès le début avec plusieurs équipes, pour différentes émissions. Il était important, à ce stade, de proposer un film différent des traitements classiques des news, un film en immersion. Charles avait déjà rencontré certains de ces jeunes soldats au tout début du conflit. Pourquoi la jeunesse ? Parce que ces soldats ont moins de 30 ans, tout simplement. Ce sont des jeunes que Charles avait suivis au fil des mois. L’idée était de les retrouver trois ans plus tard, un défi immense. Les services de communication ukrainiens sont très professionnels, mais aussi très stricts, ce qui rend les immersions longues et authentiques presque impossibles. Grâce aux relations qu’il avait nouées dès le début de la guerre, mon fils a pu obtenir des autorisations spéciales. Mais cela n’a pas été simple : il est parfois resté 15 jours sans pouvoir filmer, attendant que les conditions soient réunies pour retrouver ces soldats.

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Comment gérez-vous les défis spécifiques pour assurer la sécurité des équipes sur le terrain ?
Tony COMITI

Il n’y a pas de règle universelle. Cela dépend des terrains. Nous formons nos équipes, mais sur le terrain, tout repose sur l’écoute, l’instinct et la capacité à se protéger. Il faut savoir s’adapter à chaque situation. En Afrique, en Amérique du Sud, ou dans une zone de guerre comme l’Ukraine, les contextes et les dangers diffèrent. Dans ce film, Charles a passé plusieurs jours sans caméra, simplement pour établir un lien de confiance avec les soldats. Ces jeunes sont dans les tranchées depuis des mois, parfois sans relève. Ce n’est pas simple d’arriver avec une caméra.

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Quelle est l’importance des fixeurs dans ce type de production ?
Tony COMITI

Les fixeurs sont cruciaux dans des environnements complexes. Ce sont des traducteurs, des guides locaux, mais dans ce cas précis, ils ont refusé d’accompagner Charles. Pourquoi ? Parce que les fixeurs font généralement des missions rapides, des «touch-and-go», mais ils ne veulent pas risquer leur vie en restant trois semaines dans une tranchée. Charles a dû se débrouiller seul, enregistrant tout, sans traducteur. La traduction et le dérushage se sont faits après coup, ce qui a nécessité un travail colossal.

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Quelle stratégie pour maintenir votre société au cœur du marché du documentaire, malgré la concurrence accrue ?
Tony COMITI

La concurrence est bien là, et tant mieux ! Mais notre force réside dans notre engagement et notre capacité à innover. Nous réfléchissons constamment à comment aborder des sujets complexes de manière percutante. Convaincre un diffuseur de traiter des thèmes sensibles comme le handicap ou l’islam radical n’est jamais simple, mais nous nous obstinons. Nous avons également l’avantage de notre catalogue d’archives. Avec plus de 3 350 films, numérisés et indexés, nous pouvons réutiliser ces images pour les réseaux sociaux ou les intégrer dans de nouvelles productions. Par exemple, lorsque l’actualité a braqué les projecteurs sur le conflit israélo-palestinien en octobre, nous avons ressorti un film réalisé il y a 15 ans sur les commandos israéliens. Résultat : 4 millions de vues en quelques jours sur YouTube, principalement aux États-Unis.

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Comment utilisez-vous vos archives pour diversifier vos revenus ?
Tony COMITI

La numérisation de nos archives a été une décision stratégique. Cela nous permet de répondre à des demandes spécifiques, de créer de nouveaux formats, et d’optimiser des productions anciennes. Par exemple, nous avons lancé la série «Mon Incroyable Histoire» sur YouTube, qui mêle témoignages et archives. Ce format de 13’ cartonne, et les revenus générés sont significatifs (jusqu’à 40.000 € sur l’une des premières vidéos). Nous continuons aussi à produire pour les réseaux sociaux, à monter des compilations sur des thèmes variés comme les pompiers ou les animaux, tout en adaptant notre contenu aux attentes des nouvelles audiences.

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Des projets en cours ?
Tony COMITI

Nous préparons une série sur les femmes paysannes pour  «TF1 Grands Reportages», une enquête sur les petits patrons, et bien sûr, la 19ème saison des «Routes de l’impossible» pour France 5. Cette série est l’un de nos plus grands succès à l’international, vendue dans des dizaines de pays. Nous explorons également des formats pour les plateformes numériques et les réseaux sociaux.

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33 ans après, qu’est-ce qui continue de vous motiver ?
Tony COMITI

La passion de raconter des histoires et de faire bouger les lignes. Ce qui compte, c’est de toucher le téléspectateur, de provoquer des émotions et des réflexions. Que ce soit à travers un documentaire sur l’Ukraine ou une série sur le handicap, nous espérons toujours contribuer à un débat public constructif.

LES DIRIGEANTS
T.
Comiti
P.-D.G
P. Lucchini
D.G

COORDONNEES
69, Avenue Pierre Grenier
Boulogne-Billancourt 

DATE DE CREATION
1993

PRODUCTIONS
«Les routes de l’impossible» (F5) ; «Zone interdite» (M6) ; «Enquête exclusive» (M6)…