Trente médias ont appelé les juntes au pouvoir au Mali et au Burkina Faso à protéger les journalistes

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Trente médias, associations de journalistes et organisations de défense de la liberté d’expression ont appelé mercredi les juntes au pouvoir au Mali et au Burkina Faso à protéger les journalistes, de plus en plus menacés dans ces deux pays. Dans une lettre ouverte publiée à l’occasion de la journée mondiale de la liberté de la presse, les signataires de cet appel jugent que la situation des journalistes est devenue «critique» au Burkina Faso. Ils s’alarment des «appels au meurtre de journalistes et de leaders d’opinion», des «menaces et intimidations sur la presse nationale», des «montages grotesques contre des journalistes», de la «suspension des médias internationaux RFI et France 24» et de l’«expulsion des correspondants des journaux français «Libération» et «Le Monde»». Au Mali aussi, «les pressions et les intimidations» se multiplient, disent les signataires, notamment sur un certain nombre d’organes de presse burkinabè, la télévision malienne Joliba, les médias français France 24, «Libération», «Le Monde» et Radio France Internationale, des associations de journalistes et des organisations de défense des droits. Dans ce courrier adressé aux chefs de grandes organisations africaines et internationales, les signataires montrent du doigt les agissements répressifs des autorités. «La lutte contre le terrorisme ne doit en aucun cas servir de prétexte pour imposer une nouvelle norme de l’information», disent-ils en référence à la propagation jihadiste et aux violences de toutes sortes auxquelles les deux pays sahéliens sont confrontés. De plus en plus, les attaques sont aussi le fait d’«influenceurs» qui, sur les réseaux sociaux, «jouent aux justiciers et n’hésitent pas à menacer de mort les journalistes et leaders d’opinion trop indépendants à leurs yeux», ajoutent-ils. Les 30 signataires de l’appel demandent aux autorités maliennes et burkinabè de «mettre fin à toutes les mesures qui portent atteinte à la liberté de la presse» et de «garantir la protection» des professionnels des médias. Ils réclament «des enquêtes impartiales, efficaces et indépendantes» sur les abus commis.Le Burkina, dirigé par des militaires après deux putsch en 2022, a reculé en un an du 41ème au 58ème rang sur 180 du classement mondial de la liberté de la presse publié mercredi par Reporters sans frontières (RSF). Le Mali, également gouverné par des militaires depuis 2020, a régressé de la 111ème à la 113ème place. Selon, RSF, le Sahel «est en train de devenir une zone de non-information». Le président de la Maison de la presse du Mali, organisation non-gouvernementale de tutelle parlant au nom d’une partie de la profession et interlocutrice des pouvoirs publics, a accusé des organisations comme RSF de se discréditer en soutenant «une certaine presse étrangère», par laquelle «les pays du Sahel confrontés au terrorisme sont aussi violentés» selon lui. «Le traitement orienté, sélectif, raciste, méprisant et scandaleux de cette presse étrangère nous donne chaque jour des raisons valables et légitimes de les dénoncer», a ajouté El Hadj Bandiougou Dante, dans un discours prononcé devant des responsables du régime à l’occasion de la journée mondiale de la liberté de la presse. Les colonels maliens ont suspendu France 24 et RFI en 2022. Les correspondants d’un certain nombre de médias étrangers ont été contraints au départ, à l’exil ou au silence faute de pouvoir travailler.RSF évoquait dans un rapport en avril les pressions exercées sur la presse au Mali et au Burkina au nom d’un «traitement patriotique» de l’information, et l’autocensure à laquelle étaient poussés les journalistes.