Trois questions à… Frédéric Bolotny, économiste au Centre de droit et d’économie du sport (CDES) de l’Université de Limoges, chroniqueur pour les Echos et auteur d’une étude sur le sponsoring sportif.

    865 millions d’euros. C’est la somme astronomique que le groupe Lagardère a déboursé pour racheter
    Sportfive, une société de gestion des droits sportifs. Le vendeur est Advent International, un groupe d’investissement, qui l’avait acquis en 2002 pour 560 millions d’euros. Frédéric Bolotny est économiste au Centre de droit et d’économie du sport (CDES) de l’Université de Limoges, auteur d’une étude sur le «sponsoring sportif», disponible sur www.eurostaf.fr. Il nous éclaire sur le contexte de cette opération.

    Quelles sont les activités de Sportfive ?

    Sportfive est le leader européen de la commercialisation des droits sportifs. Son activité est ciblée à 90% sur le football, la discipline la plus médiatique et la plus économiquement développée. Elle vend des droits de sponsoring et des droits de retransmission (télévision et autres médias) pour le compte des organisateurs et des détenteurs de droits. Parmi ses clients, elle a la fédération française de football, l’UEFA et 270 clubs européens comme le PSG, l’Olympique Lyonnais ou la Lazio de Rome. Mais la vente des droits médias est de plus en plus souvent « réinternalisée » par les grosses structures sportives. Ainsi, la ligue professionnelle de football a vendu les droits de retransmission à Canal+ sans intermédiaire. Sportfive se repositionne donc sur l’accompagnement expert et le conseil.

    Pourquoi la valeur de cette société a-t-elle augmenté de 305 millions d’euros en moins de 3 ans ?

    Le football et le sport spectacle est loin de se casser la figure comme on le prédisait. Grâce aux
    leviers de développement des nouveaux médias, les droits marketing et de retransmissions ne plafonnent pas, bien au contraire. Les droits de la coupe du monde 2010 seront encore très largement supérieurs à ceux de 2006. Le téléspectateur rapporte cinq fois plus que le spectateur. Ces droits représentent 60% du budget des clubs. La billetterie, 15%. La valeur de ce marché est avant tout liée aux retransmissions télévisées. Pour les chaînes payantes, il s’agit d’un produit d’appel ou de fidélisation. Pour les gratuites, il s’agit de faire de l’audience et des recettes publicitaires.

    Pourquoi Lagardère a-t-il racheté Sportfive ?

    Dernièrement, Lagardère est partout dans le sport. Arnaud Lagardère a été un des principaux animateurs du club « entreprise Paris 2012 ». Il est partie prenante à la constitution de la future ligue professionnelle d’athlétisme. Il n’y avait guère que le foot où il n’était pas présent. Si on veut être un acteur qui compte dans le spectacle sportif, on ne peut pas en être absent. Sportfive, c’est 90% de foot. Lagardère va ainsi se retrouver du côté des vendeurs et du côté des acheteurs de droits. Le groupe représente 20% du capital de Canal+. Ce rachat pose d’ailleurs des questions en matière de concurrence. Mais la stratégie des deux sociétés, d’un point de vue de développement industriel est totalement cohérente. On est dans une logique d’intégration verticale de la chaîne de fabrication du football spectacle. La proposition de Lagardère a été appuyée par la nouvelle direction de la fédération de football et l’UEFA. La fédération veut recadrer les termes du contrat qui la lie à Sporfive. Cette convention est au cour des problèmes de gestion pour lesquels l’ancien président de la fédération Claude Simonet est inquiété par la justice.