Trois questions à… Patrick Pépin, Médiateur de Radio France et ancien Directeur de la rédaction de France Culture.

    Le médiateur est une fonction en vogue. Elle permet de garder un contact entre un public exigent et critique, et le journaliste que son métier peut enfermer dans une sorte d’autisme. Patrick Pépin nous explique sa fonction au sein de Radio France.

    média+ : Quel est le rôle du médiateur de Radio France ?

    Luc Boyer : Le médiateur de Radio France a été créé en janvier 2002. Il est l’ambassadeur du public auprès des équipes éditoriales et un pédagogue auprès du public. Il s’agit d’une demande de respect de l’identité éditoriale d’une chaîne publique. Les gens sortent du statut de consommateur pour accéder à celui de citoyen, c’est-à-dire qu’ils ont leur mot à dire sur le regard qu’on leur propose sur le monde. Cette fonction devrait sûrement être élargi à tous les médias de référence. Les gens nous font confiance. Nous devons leur rendre des comptes. Ça ne veut pas dire que le public a toujours raison. Mais, comme il nous fait confiance, on lui doit des explications sur notre façon de faire. Nous ne sommes plus dans un système où la parole vient du haut et tombe sur la tête des gens. Le public a beaucoup changé. Je vois des mails de personnes de 60 ans. Ça veut dire qu’ils ont Internet et qu’ils vont voir ailleurs pour s’informer de l’actualité. Ils ont donc une opinion sur la façon dont on a délivré l’information. Cette semaine, par exemple, certains ont estimé scandaleux qu’on traite côte à côte les problèmes de santé de Fidel Castro et Pinochet. Ils n’ont pas tort car ces deux dictatures procèdent de deux logiques et de deux contextes historiques différents. Mais, ils n’ont pas raison car, des dictateurs d’Amérique du Sud, il ne reste que Castro et Pinochet.

    média+ : Concrètement, comment traitez-vous les courriers que vous recevez?

    Luc Boyer : D’abord, il y a le courrier qui n’est pas fondé. J’ai choisi de ne pas y répondre. Certains courriers sont fondés, mais pas exploitable auprès des rédactions. J’accuse réception et je discute avec l’auditeur. Enfin, il y a le courrier dans lequel il y a eu une réflexion. À ce moment, j’enquête, je réécoute le son en question, j’interroge l’intéressé et je donne une réponse. Je porte aussi cette parole dans l’espace public dans le cadre de ma chronique sur France Inter, tous les samedis entre 16h50 et 17h00. J’y utilise 5 à 10 mails sur les 100 à 150 mails qui me sont parvenus. J’y reçois une des personnes qui a été incriminée. Ils peuvent ainsi s’expliquer. Enfin, je reprends les défauts de langue relevés par les auditeurs. C’est important de mettre leur parole dans l’espace public et d’y répondre. Ils ont une relation affective très forte, presque amoureuse, notamment avec France Inter et France Culture. Je pense que c’est notre statut de service public. A la différence du journal papier ou de la télévision, la radio est immatérielle. La radio nous accompagne tout le temps. Elle est dans notre vie comme des gens avec qui l’on vit et qu’on aime même si, parfois, on ne fait pas attention à eux.

    média+ : La mission du médiateur est-elle bien accueillie par les journalistes ?

    Luc Boyer : C’est assez compliqué car ils sont dans l’urgence de la production et nous sommes dans le recul. On leur inflige une petite blessure narcissique. Pourtant, il faut que la parole du public soit entendue par la rédaction, et qu’il en ressorte des évolutions éditoriales, soit des producteurs, soit des journalistes. Je pense que cet accueil doit être différent ailleurs. Tout dépend des fonctions que le médiateur a occupées précédemment. Il se trouve que je connais presque tout le monde dans la maison : soit je les ai recrutés, soit je les ai eus sous mes ordres, soit je les ai formés quand j’étais directeur de l’école de journalisme de Lille. Aussi, quand je les interpelle sur quelque chose, je suis bien accueilli. Ils savent que je suis loyal. Je ne suis pas sûr que je le serais autant si j’arrivais avec ma simple casquette de médiateur.