Hier, quelques jours avant le début des discussions concernant le projet de loi relatif à la diffusion audiovisuelle et à la télévision du future, le SIRTI a organisé une conférence de presse afin d’alerter l’opinion sur les dangers de l’exclusion des “indépendants” . Philippe Gault répond à nos questions.
média+ : Quels sont les éléments du projet de loi relatif à la télévision du futur qui vous dérangent ?
Philippe Gault : Le projet de loi pose de gros problèmes aux télévisions indépendantes locales du câble ou du satellite. Il entend organiser l’arrêt de la diffusion de l’analogique pour passer à la télévision entièrement numérique d’ici 2012, et prévoir le mode d’attribution de ressources hertziennes pour deux nouveaux modes de diffusion: la télévision haute définition et la télévision mobile personnelle. D’après le projet, cette ressource sera attribuée d’une part aux chaînes historiques de l’analogique qui bénéficieront d’une chaîne supplémentaire, et d’autre part aux opérateurs actuellement sur la TNT. La question est simple : «quelle est la place que l’on fait aux nouveaux entrants et aux chaînes indépendantes à l’occasion de cette rupture technologique ?». On a admis moins d’une dizaine de groupes qui sont tous les éditeurs de l’analogique et de la TNT. Et on dit : «Avant il n’y avait que l’Etat. Après il y a eu Bouygues, M6, Canal. Récemment, on fait entrer quelques nouveaux : NRJ, Bolloré. On est entre gens de bonne compagnie, et maintenant on ferme la porte, plus personne ne rentre. La télévision du futur qui va remplacer l’analogique et qui sera évidemment un média très puissant sera faite entre nous». Nous demandons, sans remettre en cause les droits acquis par les industriels de l’audiovisuel, qu’on maintienne cette porte ouverte.
média+ : A qui cette porte ouverte doit-elle bénéficier ?
Philippe Gault : Evidemment nous demandons qu’elle soit ouverte aux adhérents du SIRTI, mais plus généralement pour des chaînes indépendantes. Nous sommes conscients que l’audiovisuel s’organise autour d’acteurs importants, des groupes, des producteurs de programmes des détenteurs de droits, etc. Néanmoins, la dynamique du paysage audiovisuel repose aussi sur une diversification des opérateurs permettant à la concurrence de se renouveler. Quand il y a une porte ouverte à la concurrence, de nouveaux opérateurs arrivent et proposent des contenus et des programmes ; ce que n’aurait pas forcément fait un groupe dominant même dans le cadre d’une diversification. Avec des télévisions indépendantes, aucune offre éditoriale susceptible d’intéresser le public ne sera éliminée en fonction des intérêts d’un groupe. C’est ce qu’on voit à la radio où il y a une grande diversité des contenus, et c’est lié à la porte restée ouverte pour les indépendants.
média+ : Avez-vous d’autres craintes, notamment concernant le CSA ?
Philippe Gault : Même si ce n’est pas volontaire, nous craignons que le projet de loi ne transforme le CSA, autorité de régulation de l’audiovisuelle, en une autorité de régularisation. Le projet met tellement de droits privilégiés à quelques opérateurs désignés d’avance pour obtenir les autorisations de diffusion, les prolongations des autorisations… Il y a tellement de droits réservés à un tout petit nombre d’opérateurs que son rôle risque fort de se résumer à l’organisation du calendrier des attributions de droits. Le projet de loi ne lui donne pas de réels pouvoirs de régulation et ne lui permet pas de travailler dans l’intérêt du public dans un soucis de pluralisme et de diversité. On craint qu’il ne soit marginalisé, voire même supprimé ou fusionné avec d’autres autorités comme l’ARCEP. Mais d’abord, ni l’un ni l’autre ne veut fusionner : l’audiovisuel et la télécommunication ne sont pas la même chose, ça ne se régule pas de la même manière. Ça n’aurait aucun sens sauf si l’Etat décidait que l’audiovisuel soit un petit segment de la télécommunication.