Vidéos volées de «Grand Theft Auto VI»: les éditeurs de jeu vidéo sous la menace du piratage

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Vidéos volées et mauvaise publicité autour d’un des jeux vidéo les plus attendus: Rockstar Games, producteur de la célèbre saga «Grand Theft Auto» (GTA), a vu des extraits du 6ème opus piratés et divulgués sur internet le week-end dernier, symbole de la menace qui pèse sur les éditeurs. Mardi, c’était au tour de «Diablo 4», autre titre d’envergure dont la sortie est prévue en 2023, de voir de longues vidéos faire l’objet de fuites sur un forum spécialisé. Activision-Blizzard, Electronic Arts, Ubisoft, Capcom… La liste des éditeurs victimes de cyberattaques ciblées n’a cessé de s’allonger ces dernières années. Le cas le plus emblématique reste celui de CD Projekt RED: le groupe polonais avait publié début 2021 une copie de la demande de rançon de pirates affirmant avoir volé les «codes sources» (l’architecture informatique d’un programme) de productions majeures comme «Cyberpunk 2077» et «The Witcher 3», ainsi que des documents internes. Le site spécialisé PC Gamer avait relevé ce week-end la publication d’un dossier contenant quelque 90 vidéos de «GTA VI» sur des forums de joueurs. A travers le pseudonyme «teapotuberhacker», le pirate a promis de «faire fuiter plus d’informations prochainement». «Nous sommes extrêmement déçus que des détails du prochain jeu soient partagés avec vous de cette façon», a déploré Rockstar Games, qui avait confirmé en février dernier être en train de concevoir le sixième opus de sa série à succès, sans donner de date de commercialisation. L’enjeu est de taille pour le studio, alors que «GTA V» s’est vendu à plus de 170 millions d’exemplaires dans le monde depuis sa sortie en 2013 et aurait généré plus de 7 milliards de dollars. Machine à cash aussi populaire que décriée pour sa violence, «GTA» permet aux joueurs, depuis le tout premier épisode en 1997, d’incarner des criminels dans des villes ressemblant à New York, Los Angeles, San Francisco ou Miami. Quelles conséquences sur le développement du jeu après un tel piratage ? «A ce stade, nous n’anticipons pas de perturbations sur nos services de jeu en direct», a promis Rockstar. «Notre travail continue comme prévu». En réalité, c’est un «bad buzz» en matière d’image qui met à plat la «stratégie de lancement» du jeu, en enlevant tout effet de surprise, estime Julien Pillot, économiste spécialiste des industries culturelles. Après une telle mésaventure, «l’objectif est de rassurer les futurs clients et le marché» sur les «capacités de réaction de l’entreprise face à cette fuite», complète Loïc Gezo, expert en cybersécurité. Car après avoir déjà été chahuté lundi, le cours de Take-Two Interactive, géant américain du secteur et propriétaire de Rockstar Games, continuait de décrocher de près 3% mercredi à Wall Street. Quel que soit le diagnostic, entre l’inévitable lancement d’un audit pour rechercher les responsabilités, les équipes de cybersécurité qui vont devoir redoubler d’efforts pour trouver les brèches et le bouleversement à venir pour les équipes créatives, le temps de production du jeu va inévitablement s’allonger, sans compter les «coûts supplémentaires», selon les spécialistes interrogés. Sans oublier la plus grosse crainte des éditeurs en termes de cybsersécurité: le vol du «code source» du jeu. «Le «code source», c’est le savoir-faire, c’est le capital intellectuel de l’entreprise», décrypte Loïc Gezo. «Une analyse du «code source» par des experts en amont peut donner des idées sur [la manière de] pirater ou détourner les fonctions du jeu». «Si c’est vraiment le «code source» qui a été volé, je crois que Rockstar est dans l’obligation de le récupérer d’une manière ou d’une autre, renchérit encore Julien Pillot. Le «code source», c’est vraiment l’ADN du jeu, son squelette. Cela coûte beaucoup trop cher et nécessite beaucoup trop de temps pour que vous puissiez repartir de zéro».