La restauration des films, un marché en plein essor

Mon défi fou cinéma

La restauration des films, travail d’orfèvre qui permet aux classiques de retrouver leur éclat et les salles de cinéma, est aussi un marché en pleine expansion, comme l’illustre la projection de 70 longs métrages rénovés au 8ème Festival Lumière qui s’achève dimanche à Lyon. Présents à Cannes, Venise ou encore Locarno, les « lms de patrimoine» retrouvent une seconde jeunesse dans les festivals, mais aussi en DVD, à la télévision ou via la vidéo à la demande (VOD).

Leur restauration débute par un minutieux travail de documentation sur l’oeuvre – notes du réalisateur, directives de production, versions disponibles… – pour éclairer les techniciens sur les choix faits à l’époque. Des annotations de Louis Feuillade sur la série des «Fantomas» ont ainsi permis de la rénover dans son «bleu nuit» d’origine. Autre exemple: une version de «Querelle» (1982), de Rainer Werner Fassbinder, contenant une scène «hard» censurée en France, a été retravaillée pour donner à voir le travail initial du cinéaste. Le processus se poursuit par la remise en état «mécanique» des négatifs originaux, qui sont ensuite nettoyés, scannés et numérisés image par image. Les techniciens effacent alors toutes les usures du temps et réajustent les couleurs – ou la densité et les contrastes pour un lm en noir et blanc. En parallèle s’effectue la numérisation et la correction du mixage du son.

Nettoyer des imperfections :

Chaque étape n’a en théorie qu’un seul objectif: retrouver l’esthétique première de l’oeuvre. Ce qui s’avère parfois «utopique» pour les films très anciens ou quand leurs réalisateur et chef opérateur «ne sont plus parmi nous», nuance Benjamin Alimi, directeur de clientèle chez Hiventy. Si la bonne éthique veut que les restaurateurs travaillent à effacer les usures du temps, et non à corriger les défauts d’origine, la pratique diffère parfois : un commanditaire – autorisé par un ayant-droit – ou un réalisateur encore vivant peuvent attacher de l’importance à «nettoyer» des imperfections, tandis que d’autres considèrent qu’elles font partie de l’histoire du lm. À l’instar d’un Jacques Tati, qui a remixé toute son oeuvre avant sa mort, certains metteurs en scène profitent d’une restauration pour corriger à l’écran un oubli ou un regret. Jean- Paul Rappeneau, par exemple, a souhaité atténuer les aigus de la voix de Marlène Jobert dans «Les Mariés de l’an II» (1971). Jean- Marie Poiré, lui, a voulu gommer son équipe technique, «oubliée» dans l’arrière-plan d’une scène des «Visiteurs» (1993)… Sans consigne, les laboratoires tentent de respecter les aléas techniques du lm en se demandant comment le réalisateur a pu en jouer. «Les films témoignent aussi de l’époque à laquelle ils ont été faits. L’histoire du cinéma est riche de cette mémoire technique», témoigne le chef opérateur Pierre- William Glenn, qui a tourné avec François Truffaut ou Jacques Rivette. Parfois, les restaurateurs se heurtent à de petites subtilités, comme dans «Week-end» (1967) de Jean-Luc Godard, où un décadrage de l’image était en fait un choix artistique. «Notre déontologie, ce n’est pas de réinterpréter mais de respecter l’oeuvre, y compris dans les contraintes de l’époque. C’est une erreur de penser que chaque lm est parfait à sa fabrication», conclut Audrey Birrien, responsable restauration chez les laboratoires Éclair.