Grèce/ réforme audiovisuelle invalidée: un sérieux revers pour Alexis Tsipras

Le conseil d’État grec a invalidé mercredi la réforme audiovisuelle d’Alexis Tsipras, loi phare mais contestée, infligeant un sérieux revers à son gouvernement qui a dénoncé une décision «injuste» tout en annonçant qu’il s’y conformerait. Attendue depuis des semaines sur fond de controverse enflammée entre d’une part, la majorité de gauche radicale, et d’autre part l’opposition, la magistrature et le système médiatique, la décision du Conseil d’État est tombée comme un couperet tard mercredi. A une majorité de 14 juges sur 25, le Conseil d’État, qui avait été saisi par des barons des médias, a jugé anticonstitutionnelle la loi d’octobre 2015. En vertu de celle-ci, le gouvernement avait décidé de limiter à 4 les licences nationales privées de télévision, soit la moitié des chaînes privées émettant actuellement.  Bouclée le 2 septembre, la procédure, fortement contestée par l’opposition qui dénonçait une atteinte au pluralisme, ainsi que par les chaînes déboutées vouées à la fermeture, devait rapporter un total de 246 millions d’euros à l’État. Selon une source judiciaire, la majorité des juges a estimé qu’il revenait au Conseil de radiotélévision, le gendarme indépendant des ondes prévu par la Constitution, et non au législateur, de mener la réforme. Le contenu exact de la décision du Conseil d’État, qui se réunissait à huis clos, ne doit pas être rendu public avant lundi prochain, selon la même source. Le gouvernement, qui avait fait de cette réforme un symbole de sa volonté d’assainir la vie publique, a réagi avec colère, tout en affirmant qu’il se conformerait au verdict. «C’est une décision contraignante mais injuste», a réagi sur la télé publique Ert 1 le ministre d’État Nikos Pappas, artisan de la réforme et bras droit d’Alexis Tsipras. Il a rappelé que par le passé, le Conseil d’État avait aussi jugé anticonstitutionnel, mais à l’époque sans effet, le régime prévalant dans le secteur, tenu pendant 27 ans dans le vide juridique et l’opacité financière par une poignée d’oligarques. Cette décision doit être «jugée sur ses conséquences», à savoir qu’elle «prive le budget de l’État de fonds nécessaires, dont la société a besoin et qui devront être retournés à 4 riches hommes d’affaires», a pour sa part réagi la porte-parole du gouvernement, Olga Gerovassili, en référence aux millions collectés lors de l’attribution des chaînes. Elle a précisé que cela empêcherait des milliers d’embauches dans les crèches et les hôpitaux. Les 2 officiels ont annoncé que le gouvernement déposerait dès lundi un projet de loi pour réguler provisoirement le secteur, dans l’attente d’une nouvelle procédure d’attribution des ondes. M. Pappas a indiqué que ce règlement imposerait aux chaînes de payer pour émettre, ce qui n’avait jamais été le cas en Grèce jusqu’à la réforme retoquée, et de respecter un cahier des charges. L’opposition a pour sa part triomphé: «les machinations antidémocratiques ne sont pas passées», s’est félicité la Nouvelle Démocratie (droite). «Ceux qui rêvent de déstabiliser le pays et le gouvernement via des décisions juridiques doivent se réveiller», a riposté Nikos Pappas. Le gouvernement Tsipras doit amortir le coup alors qu’il est en chute dans les sondages, pour s’être résigné à appliquer les recettes d’austérité dictées au pays surendetté par ses créanciers, UE et FMI. M. Tsipras avait été contraint de renoncer à ses promesses de mettre fin à cette rigoureuse tutelle pour éviter en juillet 2014 à son pays d’être chassé de la zone euro. Les médias grecs relevaient pour leur part la sévérité de la décision du Conseil d’État, alors que ses juges étaient crédités d’avoir envisagé des jugements ménageant davantage l’équipe au pouvoir. Mais le climat entre gouvernement et magistrature s’était tendu ces dernières semaines, les syndicats de juges ayant dénoncé des pressions, notamment après la publication par le quotidien pro-gouvernemental Avghi du nom d’un juge impliqué dans une affaire de moeurs.