A. HOLMES (France Télévisions) : « Le renouvellement de la fiction française porte ses fruits »

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La fiction française n’a cessé de prendre de l’ampleur ces dernières années sur les chaînes du service public, à la fois en Prime Time et en journée. Un pari gagnant qui représente près de 200 soirées chaque année sur France Télévisions, avec des fictions réunissant entre 3,8 et 4,7 millions de téléspectateurs en moyenne sur France 2 et France 3. Rencontre avec Anne HOLMES, Directrice de la Fiction Nationale de France Télévisions.

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La fiction française sur France Télévisions attire sans cesse de nouveaux fidèles. Quel est votre secret ?

ANNE HOLMES

Le renouvellement de la fiction française a véritablement porté ses fruits. L’exigence et la sincérité de notre démarche également. A cela s’ajoute une prise de conscience des producteurs, auteurs et réalisateurs qui avaient besoin de se moderniser, d’écrire à plusieurs et de s’industrialiser. Quand on a vu la fiction américaine arriver il y a quelques années, on s’est pris une claque. Nous avons donc réagi. A ce jour, la qualité et l’audace de la fiction française se sont améliorées.

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Vous n’avez donc plus à rougir vis-à-vis de ce que proposent les plateformes ?

ANNE HOLMES

On peut toujours faire mieux en matière de prise de risque et d’audace. Chaque année, il faut que nous gravissions une marche supplémentaire. Pour autant, nous n’avons pas à rougir de ce que nous proposons. Les plateformes ne réunissent pas 4 à 5 millions de téléspectateurs simultanément tous les soirs. Nous racontons des histoires, mais de la même façon, ni forcément pour les mêmes personnes. Chaque année, dans n’importe quel genre, on essaie de proposer des offres différentes. Plus c’est original, plus ça marche, et plus nous sommes satisfaits.

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Quels projets sont représentatifs de cette audace ?

ANNE HOLMES

Une grande partie de ces projets sont en développement même si, à l’heure actuelle, j’ai 9 tournages arrêtés à cause du Covid. Néanmoins, la prise de risque apparaît sur nos séries axées sur l’éducation, la transmission et les problèmes liés à l’adolescence. Nous n’avions pas renoué avec ce genre depuis «L’Instit» et «Madame le Proviseur». On espère avoir trouvé la bonne clé d’entrée pour parler de transmission. C’est le cas de «La Faute à Rousseau» (8X52’ – DEMD) autour de l’arrivée d’un prof de philo hors du commun dans un lycée.

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Quelles sont les tendances émergentes parmi vos projets ?

ANNE HOLMES

Nous reprenons des fondamentaux pour en faire quelque chose de moderne. J’ai dans mes tuyaux, «L’Amour presque parfait», une sorte de «Clara Sheller» de l’époque. La série pose des questions comme : c’est quoi être trentenaire aujourd’hui ? Quelle est la place de l’amour à l’ère des réseaux sociaux ? Dans un autre style, avec «Le Code» (Making Prod/LO Productions), nous  renouons en 6X52’ avec le judiciaire, ce qui ne c’était pas fait depuis «Avocats et Associés» et «Boulevard du Palais».

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Entre France 2 et France 3, la distinction des fictions semble bien établie…

ANNE HOLMES

Ça a été un long travail. J’espère que c’est lisible pour les producteurs qui viennent nous soumettre des projets. Les cases sont assez identifiées. Le lundi sur France 2, nous proposons une case exigeante et ambitieuse puisque nous avons enchaîné «La Garçonne» (Mother Production), «Laëtitia» (CPB Films/L’Île Clavel) et «Le Mensonge» (Thalie Images). Le mardi sur France 3, on reste sur de la comédie familiale avec «La Stagiaire» (Elephant), «Capitaine Marleau» (Passionfilms/To Do Today Productions) et «Tandem» (DEMD). Le mercredi sur France 2 est dédié aux faits de société et à l’éducation. Le vendredi, les polars urbains sur France 2 se renouvellent: «Astrid et Raphaëlle» (JLA Productions), «Tropiques criminels» (Federation Entertainment). Et le samedi soir, polar rural sur France 3.

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«Capitaine Marleau» est votre carton. On en trouve un tous les 10 ans ?

ANNE HOLMES

Ce carton nous a tous surpris. On ne pouvait imaginer réunir 8 millions de téléspectateurs sur une fiction française aujourd’hui. C’est tombé au bon moment, sur la bonne chaîne. Il y a eu une vraie rencontre à l’époque entre Corinne Masiero et le personnage. Grâce à Josée Dayan, nous recevons des guests de plus en plus forts. Comme on a besoin de rigoler, Marleau coche la case détente. Sans oublier l’appétence pour le polar. Quand on a lancé la série en 2014, le 1er épisode avec Gérard Depardieu avait réuni 3,5 millions de téléspectateurs, et on se demandait même si nous n’allions pas l’arrêter parce que nous étions un peu déçus. On parlait beaucoup plus du guest que du personnage principal. La rencontre avec le public met du temps. C’est une question de bouche-à-oreille.

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Vous propose-t-on toujours autant de formats ?

ANNE HOLMES

Les producteurs savent que je n’en prends quasiment pas. Les seules fois où l’on s’appuie sur un format, c’est en dernier recours, lorsqu’il répond à une véritable attente ou que je souhaite aller vite.

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Y’a-t-il encore une politique de programmes courts ?

ANNE HOLMES

J’aimerais bien, mais dans la mesure où nous avons deux feuilletons quotidiens, cela devient compliqué de faire des programmes courts. Il n’y a que «Vestiaire» (Astharté & Compagnie/Les Films d’Avalon) actuellement à l’antenne.

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Êtes-vous satisfaite de ce que sont devenus «Un si grand soleil» et «Plus Belle la Vie» ?

ANNE HOLMES

Ces feuilletons remplissent chacun leur rôle. «Plus Belle la Vie» (Telfrance) répond toujours à l’actualité et «Un Si grand soleil» (France tv studio/Epeios Production) remplit sa mission de feuilleton romanesque et aspirationnel axé sur l’humain.