A l’Unesco, la désinformation et les discours de haine sur internet en débat

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Comment lutter contre les menaces sur l’intégrité de l’information et la liberté d’expression liées aux réseaux sociaux : des milliers de participants à une conférence organisée par l’Unesco planchent mercredi et jeudi sur ce défi. «Les plateformes numériques ont changé la manière de nous lier et de nous confronter au monde», a souligné Audrey Azoulay, DG de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco), en ouvrant la conférence. «C’est en prenant pleinement la mesure de cette révolution technologique que nous pourrons en faire une révolution qui ne se fasse pas au détriment des droits humains, de la liberté d’expression et de la démocratie», a-t-elle dit. «Pour que l’information reste un bien commun, c’est maintenant que nous devons, ensemble, réfléchir et agir».Venus du monde entier, plusieurs milliers de représentants de gouvernements, d’organismes de régulation, d’entreprises du numérique, d’universités, de la société civile, mais aussi des lanceurs d’alerte, participent à la rencontre au siège de l’Unesco à Paris ou la suivent en ligne.  «Malgré leurs immenses ressources, les plateformes ne consacrent aujourd’hui que très peu de moyens à l’éducation des utilisateurs ou à la modération, qui demeure inexistante, ou qui est parfois très facilement remise en cause, dans l’immense majorité des langues; et cette modération est aussi très inégalitaire entre les régions du monde», a relevé Mme Azoulay. «De nombreux pays dans le monde ont adopté, ou envisagent d’adopter, une législation nationale pour lutter contre la diffusion de contenus néfastes» mais certaines de ces législations font «craindre des atteintes aux droits humains des populations, notamment à la liberté d’expression et d’opinion», souligne l’Unesco. «Il est urgent d’adopter une approche cohérente au niveau mondial, fondée sur les normes internationales en matière de droits humains». L’Unesco conduit depuis septembre des consultations mondiales visant à définir des lignes directrices communes et internationales qu’elle publiera «d’ici la mi-2023», qui «seront ensuite utilisées par les gouvernements, les organismes réglementaires et judiciaires, la société civile, les médias et les entreprises du numérique elles-mêmes». La journaliste philippine Maria Ressa – colauréate du Nobel de la paix en 2021 et qui a été l’une des plus virulentes critiques de l’ancien président philippin Rodrigo Duterte, au pouvoir de 2016 à 2022, et de ses méthodes violentes dans la guerre anti-drogue – est présente à la conférence à Paris. Les poursuites dont elle fait l’objet aux Philippines sont emblématiques du harcèlement de la presse indépendante dans ce pays, selon les organisations de défense des droits humains. «Nous nous focalisons seulement sur la modération des contenus. C’est comme pour une rivière polluée: nous prélevons un verre (…) nous nettoyons l’eau et nous la rejetons dans la rivière… Mais ce qu’il faut faire, c’est remonter jusqu’à l’usine qui pollue la rivière, la fermer et redonner vie à la rivière», a poursuivi la journaliste, qui a été chaleureusement applaudie. Elle a expliqué qu’au plus fort de la campagne de harcèlement contre elle, elle recevait 98 messages de haine par heure. «Soixante pour cent de la violence sur internet» la visant a pour but de «saboter sa crédibilité en tant que journaliste» et «40% sont des attaques personnelles», notamment des «attaques sexistes et misogynes», des insultes, des caricatures de son visage très vulgaires et «des appels au viol et au meurtre», a-t-elle dit. «Des choses comme ça conduisent à de violence dans la vraie vie. La violence en ligne, c’est de la violence dans la vraie vie», a-t-elle lancé.