A Nozay, des salariés manifestent contre le «désengagement massif» de Nokia

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«Ils suppriment les emplois, mais c’est pas pour arrêter l’activité, c’est pour la délocaliser»: à Nozay dans l’Essonne, des centaines de personnes ont manifesté jeudi contre un plan social chez Nokia qui fait craindre aux salariés un «désastre» pour l’industrie des télécoms dans l’Hexagone. «C’est la fermeture annoncée du site de Nozay, très clairement», affirme Olivier Champetier, responsable de la CGT 91. «Nous sommes inquiets pour la survie des sites de Lannion et de Nozay», où «une bonne partie des postes supprimés seront délocalisés ailleurs», en Pologne, Hongrie, Finlande ou aux Etats-Unis, abonde Marc Malleville, délégué CFE-CGC. «Pour l’industrie des télécoms en France, c’est un désastre!», s’alarme-t-il. Le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) chez Alcatel-Lucent International, plus grosse entité de Nokia en France avec environ 3.600 salariés, vise la suppression de 1.233 postes. Cela représente un tiers des effectifs (831) de Nozay et plus de la moitié (402) de ceux de Lannion (Côtes-d’Armor). Alors qu’une réunion entre direction et syndicats avait lieu, plus de 500 salariés se sont rassemblés en milieu de matinée devant le site de Nozay. Brandissant une banderole «French jobs matter» («Les emplois français comptent», en anglais, ndlr) ou des pancartes «Keep Nokia in France» («Gardons Nokia en France»), les manifestants se sont ensuite élancés, bouches et nez masqués, en direction du centre de cette petite ville de 5.000 habitants. Le défilé a eu lieu dans un silence déconcertant. Le son des binious, qui avait résonné lors d’une manifestation à Paris début juillet, était absent, les salariés de Lannion n’ayant pas fait le déplacement. Il s’agit du 4ème plan social depuis le rachat en 2016 d’Alcatel-Lucent par le Finlandais. Mais «ce n’est pas un plan comme un autre, c’est un plan de désengagement massif», prévient Olivier Marcé, responsable CFE-CGC au niveau du groupe, vêtu d’un T-shirt portant l’inscription «#NokiaTueLavenir». «C’est très, très déprimant», témoigne avec pudeur Catherine Berry, gestionnaire de contrat, voyant dans ce plan une «grande injustice». «Chez Nokia, on a un plan social chaque année», constate amèrement Marie, cheffe de projet à Nozay, également présente dans le cortège. Si elle n’est pas concernée par le PSE prévu pour 2021, la quadragénaire redoute de faire les frais d’un prochain plan. «Il faut montrer son désaccord sur le fond, sur la stratégie de Nokia, et aussi son mécontentement sur la promesse faite de préserver les emplois», estime-t-elle. «Nous, les plus anciens, on est vraiment écoeurés parce qu’on s’est vraiment fait blouser», explique Christophe Civit, délégué CFDT. «Avec les engagements pris auprès du gouvernement, les recrutements, on ne pensait pas que Nokia était aussi cynique» et allait supprimer des postes en recherche-développement 4 ans après le rachat, admet-il. «Vu le volume de postes et le fait que ça arrive après déjà plusieurs plans sociaux, on ne va pas trouver assez de volontaires et il y aura des licenciements», assure M. Civit. Maxime, jeune ingénieur de 33 ans, a rejoint Nokia «il y a deux ans lors des recrutements sur la 5G». Venu s’installer dans les environs suite à son embauche, il ne «s’attendait pas» à ce plan social. Dans son équipe de vingt personnes chargée des essais 5G avec les opérateurs téléphoniques, «100% de l’effectif est touché» par le PSE. A 44 ans, son collègue François a connu en vingt ans plusieurs changements de propriétaires, travaillant successivement pour Nortel, Alcatel-Lucent puis Nokia. «Depuis que je bosse dans les télécoms, ça n’a cessé de décroître en France. Ca se réduit comme peau de chagrin. La France n’aura bientôt plus de savoir-faire sur la 5G», se désole-t-il.