Amazon lutte contre sa réputation de multinationale qui évite les impôts

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Souvent cité comme l’exemple typique de la multinationale qui évite les impôts, Amazon lutte contre cette mauvaise réputation acquise depuis des années, notamment grâce à la compétition fiscale entre les pays et entre les Etats américains. Mardi, son fondateur et patron Jeff Bezos a surpris tout le monde en affichant son soutien à la hausse de l’impôt sur les sociétés voulue par Joe Biden pour financer son plan d’investissements de 2.000 milliards de dollars dans les infrastructures. Le président américain venait d’attaquer le géant du commerce en ligne sur ce sujet. «En 2019, une analyse indépendante a révélé qu’il y avait 91, j’insiste, 91 entreprises faisant partie (…) des plus grandes entreprises du monde, dont Amazon, qui utilisaient diverses astuces juridiques et ne payaient pas un seul centime d’impôt fédéral sur les bénéfices», a déploré Joe Biden la semaine dernière. D’après l’ITEP, un think tank spécialisé dans les politiques fiscales, Amazon a payé 9,4% en impôt fédéral sur des profits de 20 milliards de dollars, après n’en avoir payé aucun pendant deux ans. Ce taux peu élevé s’explique en partie par la réforme fiscale décidée par Donald Trump en 2017, qui avait largement diminué les impôts sur les sociétés. Ils sont passés de 35% à 21% sous l’ancien président. Joe Biden compte les ramener à 28%. Mais Amazon a aussi bénéficié d’exonérations d’impôts liées à des dépréciations d’actifs et à des investissements. Et pour se défendre, le groupe de Seattle met régulièrement en avant ses contributions en termes de création de richesses et d’emplois. «Nous soutenons la vision du gouvernement de Joe Biden qui veut faire des investissements audacieux dans les infrastructures américaines», a affirmé mardi Jeff Bezos, l’homme le plus riche au monde avec une fortune estimée à plus 188 milliards de dollars selon «Forbes». Daniel Shaviro, professeur de droit à l’université de New York, explique qu’Amazon et d’autres firmes utilisent souvent des techniques fiscales «agressives» et peuvent ainsi réussir à déjouer les autorités, mais en général elles profitent simplement des dispositions définies par la loi. «C’est avant tout le système politique qui est responsable du problème», souligne ce spécialiste du droit fiscal. D’après l’ITEP, au moins 55 grandes sociétés américaines rentables n’ont payé aucune taxe fédérale en 2020, y compris le groupe de livraison FedEx et l’équipementier sportif Nike. «Les évitements d’impôts de la part des entreprises causent du tort aux Américains ordinaires en réduisant les ressources allouées à la santé, à la réparation des routes et d’autres secteurs essentiels», notait récemment la directrice du think tank Amy Hanauer. Les investissements massifs d’Amazon dans la construction d’entrepôts et d’autres services sont déduits de ses profits imposables, ce qui réduit largement les montants que l’entreprise doit au Trésor. Cette fiscalité repose sur le pari de gains supérieurs dans le futur: «un groupe qui croît paye moins de taxes sur le moment, mais en théorie il en paiera davantage quand il ne s’étendra plus», détaille Daniel Shaviro. La pratique qui consiste à transférer des profits d’un pays à l’autre pour bénéficier de niches fiscales est plus discutable éthiquement, et montre le besoin d’une harmonisation de la fiscalité entre pays, selon lui. L’idée d’un taux d’imposition minimum sur les sociétés à l’échelle mondiale vient d’être mise sur la table par le Trésor américain. Soutenue par le FMI et saluée par des pays comme la France et l’Allemagne, elle pourrait aboutir d’ici l’été grâce à des négociations en cours au G20. Amazon a donc tout intérêt à nouer de bonnes relations avec le gouvernement de Joe Biden : la hausse de l’impôt prévue par le président risque moins de l’affecter qu’une éventuelle taxe sur les plateformes numériques prônée par des pays européens.