Amélie Nothomb, romancière à la productivité gargantuesque

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Romancière à la productivité gargantuesque, créature médiatique autant adulée que critiquée, Amélie Nothomb, lauréate 2021 du prix littéraire français Renaudot pour «Premier sang», a trouvé dans les mots de quoi étancher sa soif existentielle. Depuis son 1er livre «Hygiène de l’assassin» en 1992, l’écrivaine belge aux chapeaux gothiques écrit sans relâche, publiant tous les ans au mois d’août et avec la même frénésie, un ouvrage au succès populaire quasi constant. «Stupeurs et tremblements» (1999), «Métaphysique des tubes» (2000), «Ni d’Eve ni d’Adam» (2007), «Les prénoms épicènes» (2018) … Conte de fée, récit mythologique, dialogue érudit, intrigue policière, autofiction : chaque roman dépasse les 200.000 exemplaires et les ventes de poche sont considérables. Sans compter les traductions dans plus de 40 langues. Tête de gondole saisonnière, elle défie ses détracteurs qui critiquent régulièrement la qualité inégale d’une production abondante (une trentaine de roman depuis 1992). En réalité, Amélie Nothomb, aujourd’hui âgée de 55 ans, affirme écrire entre 3 et 4 romans par an pour n’en publier qu’un seul. «Les autres ne seront jamais divulgués. J’ai pris des dispositions testamentaires en ce sens». Tous sont écrits selon le même rituel : le matin, aux aurores, entre 04h00 et 08h00, la petite brune au front bombé et blanc se cale dans son canapé et écrit avec un vieux stylo bille, dans un cahier, sur ses genoux. L’écrivaine extravagante n’a ni ordinateur, ni internet, ni téléphone portable. Cette ancienne anorexique et boulimique, qui affirma sur les plateaux télé se nourrir de fruits pourris et de roquefort, est obnubilée par la soif, la satiété, la faim et le trop-plein. Elle a d’ailleurs donné pour titre «Soif» à son roman de 2019. Dans «Métaphysique des tubes» (2000), elle évoque sa prime enfance où elle connut «la sérénité absolue du cylindre». Déglutition, digestion, excrétion : au Japon, où elle naît le 9 juillet 1966, alors que son père y est consul, elle connaît «l’absolue satisfaction». Elle se prend pour Dieu. La félicité dure 5 ans, la petite Fabienne-Amélie, choyée par une gouvernante japonaise adorée, une mère belge aimante et une soeur de deux ans son aînée, connaît une petite enfance heureuse, qu’elle n’a cessé de mythifier dans ses livres. Après cet «arrachement fondamental» du Japon, elle vit au rythme des affectations de son diplomate de père : la Chine, New York, la Birmanie, le Laos… Ces déménagements renforcent sa précocité (elle sait lire à 3 ans, écoute des chants grégoriens et se croit alcoolique à 8 ans à force de finir les coupes de champagne des invités) et elle décuple son appétit pour le monde. Mais dans le même temps, «cela crée une très grande angoisse, jamais résolue». «J’ai très vite su que mon univers ne serait pas stable et que je perdrais tout, tous les 3 ans ; que l’apocalypse serait un phénomène régulier (…) Le langage, la littérature allaient devenir la seule chose stable dans ma vie». A 12 ans, le viol par 4 hommes dans les eaux du golfe du Bengale, raconté brièvement dans «Biographie de la faim» (2004), provoque une anorexie «pure et dure». La faim d’Amélie s’éteint. Son «adolescence est saccagée». A 15 ans, à défaut de mourir, elle devient boulimique de lectures. Lorsque sa famille se pose enfin en Belgique, elle est une jeune fille qui se croit laide, déracinée, sans amis. A 16 ans, elle parle le latin et fait des études de philologie à Bruxelles. Incapable de communiquer avec les Occidentaux, elle retourne à Tokyo à 21 ans, une agrégation gréco-latine en poche. Dans «Stupeurs et tremblements», elle raconte ses mésaventures dans une entreprise japonaise où règne une impitoyable hiérarchie. A défaut d’être renvoyée, elle finit dame pipi de l’établissement. Et comprend qu’elle n’est pas Japonaise.Elle se met alors à écrire. Le reste de sa vie commence en 1992 avec «Hygiène de l’assassin».