Ariane 6: le compte à rebours est enclenché

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Ce n’est pas encore le «Top, décollage» mais le compte à rebours est enclenché: la fusée Ariane 6, qui doit permettre à l’Europe de rester dans la course à l’espace, entame l’ultime campagne de tests avant son vol inaugural, repoussé à 2023. Allongé dans son hall d’assemblage de la base spatiale de Kourou, en Guyane, le corps central du lanceur doit être érigé dans les «prochaines semaines» sur le pas de tir flambant neuf situé à 800 mètres de là pour des «essais combinés». Ces tests associant la fusée et son ensemble de lancement sont «la dernière ligne droite» d’un programme lancé en 2014, explique le directeur du transport spatial à l’Agence spatiale européenne (ESA), Daniel Neuenschwander, lors d’une récente visite à Kourou. Ariane 6, qui aura coûté près de 4 milliards d’euros, doit permettre à l’Europe de s’adapter notamment à la féroce concurrence de l’américain SpaceX. La fusée est prévue pour être 40% moins coûteuse qu’Ariane 5 et surtout plus polyvalente. Une version à deux propulseurs latéraux (boosters), Ariane 62, lui permettra d’avoir la capacité d’emport de la fusée russe Soyouz, dont les tirs depuis la Guyane ont été interrompus par l’invasion de l’Ukraine. Une autre à quatre boosters remplacera le lanceur lourd Ariane 5. Elle pourra tout aussi bien lancer des gros satellites vers l’orbite géostationnaire à 36.000 kilomètres, pour laquelle elle a été pensée en 2014, que les «constellations qui ont entre-temps émergé», se félicite Stéphane Israël, président d’Arianespace, société chargée de son exploitation. Aussi, «alors même qu’Ariane 6 n’a pas encore volé, elle enregistre les succès commerciaux» avec 29 lancements déjà vendus, dont 18 pour des centaines de petits satellites de la constellation Kuiper du géant Amazon, rappelle-t-il. Ariane 6 et son pas de tir ont été conçus pour pouvoir réaliser 12 lancements par an avec deux semaines entre deux tirs, quand il en fallait 6 pour Ariane 5, qui n’était lancée que cinq ou six fois par an. Pour cela toute l’architecture industrielle a été repensée: le corps du lanceur est monté à l’horizontale et non plus verticalement, l’assemblage avec la coiffe et les boosters se fait directement sur le pas de tir, à l’abri d’un portique mobile, qui surplombe de ses 90 mètres de haut la canopée guyanaise. Et «on a récemment franchi avec succès une étape avec les tests des bras cryogéniques qui permettent d’amener le carburant», ajoute Franck Huiban, directeur des programmes civils d’ArianeGroup. Ceux-ci se déconnectent de la fusée juste au moment du lancement et non plus avant. Cela permet de vidanger la fusée plus facilement en cas de tir avorté et de reconfigurer le fusée en deux jours, contre trois semaines pour Ariane 5. Reste encore toute une myriade d’essais à effectuer pour «qualifier» le système, de la salle de contrôle à l’étage supérieur de la fusée, dont le moteur réallumable doit encore faire l’objet de «tests à feu» en Allemagne. A Kourou, lors des essais combinés, «on va tester toutes les procédures opérationnelles», y compris en «mode dégradé», détaille Franck Huiban, casque de chantier sur la tête. L’idée est de reproduire un vol sans que la fusée décolle. Il y aura ainsi plusieurs mises à feu du moteur Vulcain 2.1, «un premier allumage court, puis un long, représentatif d’un vol» de l’étage principal, soit 500 secondes, selon lui. «On a une bombe sur le pas de tir, il faut s’assurer qu’on a la maîtrise du lanceur», explique un autre représentant d’Arianegroup sous couvert d’anonymat. Le 1er tir d’Ariane 6 était initialement prévu en 2020, puis fin 2022 avant d’être repoussé à 2023.Pour Stéphane Israël, «certaines choses prennent plus de temps que prévu mais nous ne sommes pas dans une impasse technique, les grands paramètres sont maîtrisés». Cela n’a rien d’anormal s’agissant d’un programme en développement, rassure également Daniel Neuenschwander. «Plusieurs jalons doivent être franchis d’ici mi-juillet», affirme le responsable de l’ESA.