Avec «Jeux d’influence», ARTE lance une série sur les lobbies toxiques

432

ARTE diffuse depuis hier soir, jeudi 13 juin, la série «Jeux d’influence» qui plonge à la manière d’un documentaire dans les manigances déployées par une firme de pesticides pour défendre ses produits. En plein débat sur le glyphosate, cette série (6×60’), réalisée par le journaliste Jean-Xavier de Lestrade, examine les dessous du débat public, avec ses échanges d’influences, ses lanceurs d’alertes, ses souffrances intimes. Dans la série, un député, ami d’enfance d’un agriculteur victime d’un désherbant, s’engage à faire interdire le produit de la multinationale Saskia. Celle-ci s’appuie alors sur un puissant lobbyiste, secondé d’une journaliste, pour influencer le débat à tout prix. On retrouve alors un cadavre dans la Seine. Jean-Xavier de Lestrade, oscarisé pour sa série documentaire «Un coupable idéal», Prix Albert-Londres pour un film sur le Rwanda, a cette fois-ci choisi la fiction, «assemblant les témoignages et les personnalités» dans une série, explique-t-il. Le journaliste souligne que «la réalité a rattrapé la fiction»: déjà disponible sur le site d’ARTE, la série arrive sur les écrans peu après des révélations sur le fichage d’élus et journalistes pour le compte de Monsanto, la firme américaine qui produit le glyphosate. La série «est à la fois un divertissement et un outil formidable pour raconter des histoires qui soulèvent des questions essentielles au fonctionnement de notre société et permettent le débat», souligne de son côté le producteur Matthieu Belghiti. Quand Jean-Xavier de Lestrade commence à s’intéresser au sujet en 2013, c’est parce que son père, agriculteur, lui a parlé de Paul François, ce céréalier qui a obtenu la condamnation de Monsanto par la justice française après son intoxication en 2004 par un désherbant de la société. Le journaliste raconte avoir grandi dans une ferme, «avec les pesticides», à une époque où ils étaient vus comme «un miracle qui améliorait le rendement». Depuis qu’il s’est lancé dans le projet avec le scénariste Antoine Lacomblez, il a mené avec son équipe un marathon d’entretiens avec des députés, des attachés parlementaires, des journalistes et, «au bout de la chaîne, quelques lobbyistes, qui rechignent à raconter leurs méthodes».

Plusieurs acteurs de la série viennent du théâtre, y ajoutant un esprit de troupe: Laurent Stocker de la Comédie française joue le député engagé, le metteur en scène Jean-François Sivadier interprète un lobbyiste glaçant, Alix Poisson («Parents mode d’emploi», «Les Revenants») une journaliste au jeu trouble. «Le public peut donner du crédit à cette fiction! Sur les méthodes, et la manière dont ça se passe, on est tout à fait justes», assure Jean-Xavier de Lestrade. «Mais dans la série, il y a un mort. Et on n’a pas d’exemple concret où l’on pourrait clairement prouver que quelqu’un a été assassiné, même si des personnes ont été détruites psychologiquement». Le personnage du député joue un rôle particulièrement positif dans la série, à une époque où les élites politiques nagent en pleine défiance. «Le spectacle politique quotidien est affligeant mais il y a aussi des gens qui travaillent énormément pour leurs concitoyens», souligne Jean-Xavier de Lestrade. Face à «des empires à la puissance financière extraordinaire», le pouvoir politique «essaie de travailler mais, sans soutien citoyen, c’est impossible», poursuit-il. Début juin, les députés ont ajouté à leur règlement la publication obligatoire de tous les cadeaux ou invitations d’une valeur supérieure à 150 euros qu’ils reçoivent. Des limites encore jugées toutefois insuffisantes par des associations et certains parlementaires.