Bolloré : un empire médiatique colossal bâti sur les grèves et les conflits

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Premier actionnaire de Canal+, des magazines de Prisma, du «JDD», «Paris-Match» et de la radio Europe 1, le milliardaire breton Vincent Bolloré a bâti un empire médiatique colossal, déclenchant des grèves et des hémorragies dans les rédactions au fil de ses acquisitions.  

– Canal+ ne rit plus : En déclarant en 2007 qu’en tant qu’investisseur industriel, il devait «avoir le contrôle de l’éditorial», le futur magnat des médias, alors patron de la petite chaîne Direct 8, avait donné le ton sur ses ambitions. Alors que personne n’y croyait, l’industriel breton parvient à revendre D8 et D17 à Canal+ en 2012, contre des parts de la maison-mère Vivendi. A coups de rachats d’actions, il parvient à en prendre le contrôle 2 ans plus tard. Premier coup de maître, 1er conflit: appréciée pour sa liberté de ton, Canal+ est brutalement mise au pas par l’homme d’affaires à partir de 2015. Le «Zapping» et le magazine «Spécial Investigation» sont arrêtés. Les marionnettes satiriques «Les Guignols de l’info» sont d’abord mises en sourdine puis arrêtées, Vincent Bolloré leur reprochant un «abus de dérision». Dernière victime en date: le célèbre service des sports, secoué par au moins 25 départs depuis le renvoi de l’humoriste Sébastien Thoen, qui avait provoqué une vague de soutien fin 2020.

– Grève historique à iTélé : En 2016, les salariés de la chaîne d’information entament aussi un bras de fer avec Canal+, demandant des garanties d’indépendance et protestant contre une réduction drastique des effectifs. L’arrivée à l’antenne de Jean-Marc Morandini, mis en examen pour «corruption de mineurs aggravée», met aussi le feu aux poudres. Les salariés portent une grève très médiatique pendant 31 jours – une durée record – face à des dirigeants inflexibles. N’obtenant que de maigres concessions, la quasi-totalité des journalistes quitte la chaîne, rebaptisée CNews.

– A l’assaut des magazines : En mai dernier, Vivendi boucle l’acquisition du 1er groupe de presse magazine en France, Prisma Media. «Télé-Loisirs», «Femme Actuelle», «Capital» ou «Gala» viennent encore diversifier l’empire Bolloré. Connaissant ses méthodes, certains journalistes font immédiatement valoir leur clause de cession, prévue en cas de changement d’actionnaire. Une soixantaine de salariés et pigistes ont depuis quitté le groupe, et devraient être rejoints par 80 autres d’ici la fin de l’année, estime le syndicat SNJ-CGT. Ces hémorragies sont loin d’inquiéter l’industriel breton, qui a estimé en janvier que les journalistes fonctionnent «comme la mer»: quand une vague part, une autre revient.

– Main de fer à Europe 1 : Après avoir bataillé avec le magnat du luxe Bernard Arnault, Vincent Bolloré impose Vivendi comme actionnaire principal du groupe Lagardère, qui compte dans son giron les stations Europe 1, RFM et Virgin Radio. Le milliardaire conservateur décide alors au printemps 2021 de rapprocher Europe 1 avec CNews. Inquiet d’un changement de ligne éditoriale, les salariés de la radio historique entament une grève. Au fil des semaines, des dizaines de journalistes quittent la station contraints ou de leur plein gré.  Cette 1ère étape préfigure une opération prévue de longue date par l’industriel, qui s’apprête à avaler d’ici mars le groupe Lagardère (le «JDD», «Paris Match», Hachette Edition).

– Chaises musicales au «JDD» : Après 5 ans à la tête du «JDD», Hervé Gattegno, DG de l’hebdomadaire, est limogé en octobre. Certains y voient en coulisses l’influence du patron, suite à une couverture du futur candidat d’extrême droite à la présidentielle, Eric Zemmour, ayant fait polémique. Remplacé par Jérôme Bellay, ce dernier est aussi congédié à la surprise générale 3 mois plus tard, faisant place au chroniqueur régulier de CNews Jérôme Béglé. Une nouvelle fois, la SDJ fait part de sa «vive

préoccupation», à quelques mois d’une échéance électorale déterminante.