Brésil: pas de poursuites «pour l’instant» contre le journaliste Greenwald

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Un juge brésilien a refusé jeudi dernier de poursuivre «pour l’instant» le journaliste d’investigation américain Glenn Greenwald, accusé par le parquet d’avoir «aidé» un groupe de pirates informatiques qui lui a fourni des informations compromettantes pour le pouvoir. Le juge Ricardo Leite, de la 10e Cour fédérale de Brasilia, a estimé que le journaliste, cofondateur du site internet The Intercept Brasil, était protégé par une décision d’un juge de la Cour suprême qui lui a accordé l’année dernière le droit de garder ses sources secrètes.

«Je ne donne pas suite pour l’instant à la plainte contre Glenn Greenwald, étant donné la controverse sur la portée de la mesure» accordée par le juge Gilmar Mendes, a indiqué le magistrat. Il a revanche lancé des poursuites contre six hackers présumés accusés d’avoir piraté les téléphones portables du ministre de la Justice, l’ex-juge Sergio Moro et des procureurs chargés de l’enquête anti-corruption «Lavage Express».La révélation, à partir de juin 2019, par The Intercept Brasil du contenu de messages échangés entre M. Moro et les procureurs avait jeté des soupçons sur l’impartialité de l’enquête. Le juge Moro, en charge de l’affaire, avait notamment condamné en première instance pour corruption l’ex-président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010). Donné favori pour l’élection présidentielle de 2018, à laquelle il n’a finalement pas pu participer, Lula avait été déclaré inéligible après sa condamnation en appel. Le vainqueur de ce scrutin, Jair Bolsonaro (extrême droite), a ensuite nommé M. Moro ministre de la Justice. Selon le parquet fédéral, Glenn Greenwald, qui réside au Brésil, a non seulement rendu ces informations publiques mais il aurait «donné aux hackers la marche à suivre pour rendre l’enquête plus difficile et réduire le risque qu’il soit lui-même tenu responsable pénalement». Cette accusation est fondée, selon le parquet, sur une conversation entre M. Greenwald et un des hackers, dont le contenu a été retrouvé sur un ordinateur saisi par la police.

Le juge a estimé que cette écoute montrait que le journaliste a pu «inciter» les pirates à se défaire d’éléments compromettants. Cependant, il a indiqué préférer attendre une éventuelle «nouvelle évaluation» du dossier par le parquet, voire une «révocation» de la mesure de la Cour suprême. A la suite de l’action du parquet, Glenn Greenwald avait aussitôt dénoncé une «atteinte à la liberté de la presse et à la démocratie brésilienne», estimant qu’il s’agissait «manifestement de représailles» de la part du gouvernement Bolsonaro.Le journaliste américain, connu pour avoir rendu publiques les révélations d’Edward Snowden sur l’agence américaine de renseignement NSA, est marié à un député brésilien de gauche, David Miranda.