Le 2nd tour de l’élection présidentielle brésilienne entre Lula et Jair Bolsonaro se joue aussi beaucoup sur les réseaux sociaux, et les deux camps ont recours à différentes stratégies de désinformation pour discréditer l’adversaire. Une situation qui a incité le Tribunal supérieur électoral (TSE) à renforcer jeudi son éventail de lutte contre la désinformation. Il peut désormais exiger des réseaux sociaux le retrait de contenus considérés comme irréguliers dans un délai de deux heures, sous peine pour les récalcitrants d’écoper d’une amende comprise entre 100.000 et 150.000 reais (19.000 à 28.000 dollars) pour chaque heure de dépassement. Exemples de manipulation de contenus constatés à l’approche du scrutin du 30 octobre.
– Propos sortis de leur contexte : Une des techniques les plus utilisées est le montage vidéo pour faire ressortir un extrait précis qui, sorti de son contexte, fait dire au candidat le contraire de l’idée qu’il développait dans son discours in extenso. C’est le cas par exemple d’une courte vidéo partagée mercredi par de nombreux bolsonaristes, comme l’influent pasteur évangélique Silas Malafaia, montrant l’ex-président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva affirmant: «Je dois mentir, les politiciens doivent mentir». Mais en regardant en entier la vidéo de l’entretien accordé la veille au podcast Flow, on peut voir que Lula met en fait cette phrase dans la bouche de Jair Bolsonaro, qu’il traite de «menteur compulsif» quelques secondes plus tôt. Le président d’extrême droite a lui aussi été visé par des extraits de vidéos qui induisent les internautes en erreur. Dans un de ces extraits, M. Bolsonaro semble annoncer qu’il nommerait l’ex-président Fernando Collor de Mello (1990-1992) au gouvernement, pour qu’il «confisque les retraites». Mais dans l’extrait en question, totalement sorti de son contexte, le président Bolsonaro ne fait que citer une «rumeur» disséminée par ses détracteurs.
– Mensonges sur la vague rose : Avec les victoires récentes de candidats de gauche comme Alberto Fernandez en Argentine, Gustavo Petro en Colombie, Pedro Castillo au Pérou ou Gabriel Boric au Chili, une vague rose semble déferler sur l’Amérique du Sud, une tendance qui pourrait se confirmer en cas d’élection de Lula au Brésil. Des informations mensongères sur ces pays ayant basculé à gauche se sont répandues au Brésil. C’est le cas par exemple d’une supposée «autorisation de la pédophilie» attribuée au gouvernement Petro en Colombie. La mesure en question, qui a légalisé le mariage dès 14 ans sans l’autorisation des parents, a en fait été prise sous le mandat de son prédécesseur de droite Ivan Duque. Autre exemple frappant: des publications évoquant des «agriculteurs pillés par la population affamée en Argentine» montrent des images de troubles datant de 2021 en Colombie, également sous la présidence de M. Duque.
– Faux sondages : La crédibilité des instituts de sondages a été fortement entamée par le résultat bien plus élevé que prévu de Jair Bolsonaro au 1er tour. Mais la désinformation contribue encore davantage à jeter le trouble sur les enquêtes d’opinion, avec des publications évoquant les résultats de sondages fictifs ou, du moins, non homologués par la justice électorale. Des manipulations du son ou des graphiques montrés dans des extraits de journaux télévisés permettent aussi de faire croire qu’un candidat est donné vainqueur par un sondage légitime, même si c’est son adversaire qui a obtenu le plus d’intentions de vote.
– Faux articles : Certaines publications montrent des captures d’écran qui imitent le style graphique de sites d’informations respectés, pour tenter de donner plus de crédibilité à des contenus erronés ou trompeurs. L’un de ces faux articles, qui semble avoir été publié sur le site G1, du groupe Globo, dit par exemple que Lula obligerait les détenteurs d’armes à les remettre aux autorités s’il était élu.