Jovial et ferme, homme de chiffres appréciant les tapis rouges, Maxime Saada a imposé son style à la tête de Canal+ en s’engageant dans de multiples bras de fer, des droits TV du foot au cinéma, comme l’illustre sa décision vendredi de se retirer de la Ligue 1. «Deux ans, c’est long, on verra», avait-il martelé en mai 2018, après la perte historique des droits TV de la Ligue 1 au profit du diffuseur sino-espagnol Mediapro, pour rassurer ses abonnés. «Je suis sûr que Canal survivra parce que je n’ai pas misé plus d’un milliard (d’euros). Moi, je pose la question de la survie de Mediapro et des autres». Presque 3 ans plus tard, la prophétie de Maxime Saada, 51 ans, s’est partiellement réalisée, Mediapro ayant disparu du paysage footballistique français au grand dam de la Ligue de football professionnel (LFP). Mais Canal+ n’a pas complètement pris sa revanche, elle qui voulait redevenir le grand argentier du ballon rond hexagonal. La LFP a partagé vendredi la diffusion de la Ligue 1 entre Canal+ et Amazon, au détriment de son allié beIN Sports, une décision qui a rendu furieuse la chaîne, qui a annoncé dans la foulée qu’elle ne diffuserait pas la saison prochaine de foot. Avant d’être propulsé sous les projecteurs des médias et du foot-business, le diplômé de Sciences Po Paris et HEC a fait ses premières armes dans une délégation interministérielle chargée de promouvoir les investissements américains en France. Il apprend le métier au sein du cabinet McKinsey qu’il rejoint en 1999 pour couvrir l’industrie des télécommunications et des médias puis débarque chez Canal+ en 2004 comme vice-président chargé de la stratégie. Artisan de la fusion avec TPS, il monte une marche du groupe tous les deux ans, jusqu’à devenir DGA, en charge des programmes (2013). Lorsqu’en 2015, le nouveau patron de Vivendi Vincent Bolloré fait une razzia sur le groupe qu’il entend redresser, une vingtaine de dirigeants sont écartés… jusqu’à ce que Maxime Saada remplace son supérieur Rodolphe Belmer, au poste de DG. Ainsi lorsque Bolloré se retire de la présidence de Canal+, Maxime Saada prend la tête du directoire. Entretemps, il a su lui prouver sa fidélité, et se retrouve même en 2016 qualifié de «fusible» par une sénatrice lors d’une audition parlementaire. Assis à la droite de son actionnaire, il venait de se désigner seul responsable de la déprogrammation de l’enquête «Evasion fiscale, une affaire française» portant sur le Crédit Mutuel, dont le patron Michel Lucas est proche de Bolloré. En 2018, il coupe même la diffusion à ses abonnés de TF1 qui souhaitait monétiser la distribution de ses chaînes par des tiers. «On ne veut pas que nos abonnés payent pour du gratuit. Il est hors de question qu’on remette le signal tant qu’on n’a pas un accord avec TF1», avait asséné le dirigeant dans un bras de fer inédit au sein du paysage audiovisuel français. Une méthode forte qu’il n’hésite pas à employer dans ses négociations avec les dirigeants du cinéma ou du foot. «Maxime Saada n’est pas patron d’une ONG, il n’est pas là pour abreuver le foot et le cinéma en dehors de toute réalité. Évidemment, ça ne fait pas plaisir à ceux qui ont vécu sans se préoccuper de la valeur de leur contenu», souligne Thomas Coudry, analyste chez Bryan Garnier & Co. Un temps mis sous pression par beIN et Netflix, Canal+ a su résister à ses concurrents sur le sport ou la VOD en restant au coeur de la télévision payante grâce à une «stratégie d’agrégateur» qui leur réussit «plutôt bien», selon l’analyste. Reste les critiques concernant la posture droitière de CNews, l’affaire Pierre Ménès, ou encore la vague de départs au sein du service des sports depuis les licenciements de Stéphane Guy et Sébastien Thoen, pourtant soutenus par leur rédaction. Un salarié de Canal+ croit savoir que M.Saada «n’assume pas CNews, la partie obscure de ce que peut représenter Canal+, il ne vient jamais parler d’Hanouna, de CNews…»