La récente décision du Conseil d’Etat demandant un contrôle renforcé du pluralisme des chaînes va être «assez compliquée» à mettre en oeuvre, a estimé la présidente du groupe public France Télévisions, Delphine Ernotte Cunci, jeudi devant les députés.
«Je comprends l’enjeu du pluralisme, néanmoins, je m’interroge sur la manière dont tout ça va se mettre en place», a dit Mme Ernotte Cunci, auditionnée par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur l’attribution des fréquences de la TNT (télévision numérique terrestre). «Il me semble par exemple impossible de demander à un éditorialiste quelle est sa couleur politique du moment», a poursuivi la dirigeante, en estimant «qu’un individu peut voter d’une certaine manière mais avoir sur un autre sujet un avis qui diffère du parti politique pour lequel il a voté». «Tout ça me semble assez compliqué», a poursuivi Mme Ernotte Cunci, en jugeant que France Télévisions avait déjà à coeur de faire respecter un «équilibre» sur ses antennes.
Elle a toutefois dit faire «confiance à l’Arcom» (le régulateur de l’audiovisuel, ndlr) pour «mettre en oeuvre ceci dans le respect de l’essence de la loi de 1986» sur l’audiovisuel, qui est une «loi de liberté d’expression». Le 13 février, le Conseil d’Etat a sommé l’Arcom de muscler son contrôle des télés et radios.
L’autorité indépendante est revenue jeudi sur le sujet lors d’une conférence de presse. «Nous travaillons d’ores et déjà à l’élaboration d’un texte général» pour tirer les conséquences de la décision du Conseil d’Etat qui a «réinterprété la loi de 1986», a déclaré son président Roch-Olivier Maistre.
L’Arcom sera «très vigilante au respect de la liberté éditoriale: cela ne conduira en aucune façon à intervenir ni dans le choix des thématiques traitées, ni dans le choix des intervenants sur les plateaux», a-t-il assuré.
Mais le régulateur sera amené à contrôler d’éventuels «déséquilibres manifestes et durables» du pluralisme.
La décision de la plus haute juridiction administrative faisait suite à un recours de l’ONG Reporters sans frontières (RSF) au sujet de la chaîne info CNews, accusée d’être «un média d’opinion» marqué à l’extrême droite, ce qu’elle conteste.
«Je comprends l’esprit de la décision du Conseil d’État, mais suis plus circonspecte sur la lettre et son application», avait déjà déclaré Mme Ernotte Cunci dans un entretien au mensuel conservateur Causeur paru mercredi. Interrogée pour savoir si elle approuverait quelqu’un qui demanderait «la fermeture de CNews», elle a répondu: «Non, je ne veux pas la mort de CNews. Mais il est normal qu’elle respecte les règles, comme tout le monde».
Par ailleurs, questionnée par les députés sur l’éventualité d’une holding regroupant tout l’audiovisuel public et sur les projets de rapprochement de la ministre de la Culture Rachida Dati, Mme Ernotte Cunci a répondu : «Je soutiens intégralement ce qu’elle a proposé».