De la télé au foot, Nicolas de Tavernost passe de l’autre côté du miroir

Dirigeant historique de l’audiovisuel français, d’abord à M6 pendant près de 40 ans puis à RMC BFM, Nicolas de Tavernost passe de l’autre côté du miroir en devenant patron de LFP Media, structure qui gère les droits du football hexagonal. Chevelure en bataille, yeux bleu glacier et traits d’esprit acérés, M. de Tavernost s’attelle à une rude tâche: convaincre que la Ligue 1 garde de la valeur après une saison cataclysmique. Elle a été marquée par un conflit puis une rupture entre la LFP et DAZN, le principal diffuseur, qui a peiné à attirer les abonnés. Le dirigeant de 74 ans a des atouts de poids: sa connaissance pointue de l’audiovisuel, le respect dont il jouit dans le secteur et sa réputation de gestionnaire avisé. «Le mettre autour de la table comme interlocuteur, c’est un bon moyen de me faire revenir sur le sujet de la Ligue 1», a récemment déclaré à L’Equipe Maxime Saada, le président de Canal+, qui a longtemps été le diffuseur de la L1 avant de s’en désengager. L’estime réciproque qui lie les deux hommes devrait faciliter le dialogue. «Tout ce qu’on lui a reproché est vrai. Impitoyable en affaires, très exigeant avec ses équipes, vigilant sur les coûts, voire pingre, interventionniste sur les programmes, lobbyiste invétéré», plaisantait M. Saada quand son homologue avait quitté la tête du groupe M6 en avril 2024. Ce départ surprise avait clos un règne de 37 ans, d’abord comme adjoint du premier PDG Jean Drucker à la création de M6 en 1987, puis comme patron depuis 2000. Entretemps, «la petite chaîne qui monte» est devenue le vaisseau-amiral d’un important groupe de médias, qui comprend notamment la radio RTL. Sous le mandat de Nicolas de Tavernost, M6 a aussi été un acteur du football français, comme propriétaire d’un club historique, les Girondins de Bordeaux, de 1999 à 2018. A la tête de M6, M. Tavernost s’est construit une image de dirigeant soucieux de rentabilité, qui revendiquait d’»aller chercher des ressources avec les dents». «Pour paraphraser mon ancien président Jean Drucker, la création, c’est aussi une affaire de flux de trésorerie», assumait-il en février 2024 devant la commission d’enquête parlementaire sur la télévision numérique terrestre (TNT). Comme un clin d’oeil, son dernier coup d’éclat à M6 a pourtant été de rafler les droits des Mondiaux 2026 et 2030 de foot à TF1, qui les jugeait trop élevés. Un mois après son départ de M6 – et une fête d’adieux au Palais Brongniart à Paris avec toutes les stars du groupe -, il a créé une autre surprise en rejoignant l’armateur CMA CGM du milliardaire Rodolphe Saadé. Il y a été nommé vice-président de CMA Media, la branche média du groupe, et PDG par intérim de RMC BFM. Cette dernière entité, qui comprend notamment la radio RMC et la chaîne de télévision BFMTV, appartient à CMA CGM depuis son rachat en juillet 2024. En parallèle de ses nouvelles fonctions, il reste vice-président de CMA Médias et vice-président du Conseil d’Administration de l’agence d’événementiel GL Events. A la tête de RMC BFM, Nicolas de Tavernost a notamment dû réorganiser l’équipe dirigeante de BFMTV, confrontée à la concurrence de CNews. C’est son ancien collaborateur au sein du groupe M6, l’ex-président de RTL Régis Ravanas, qui lui a succédé le 8 avril comme directeur général de RMC BFM, ouvrant la voie à son arrivée à LFP Media. Issu d’une famille noble de l’Ain (il y a hérité d’un château) et père de quatre enfants, M. de Tavernost avait ardemment milité pour la fusion entre M6 et TF1. Elle a finalement échoué en 2022 à cause des règles de concurrence, ce qu’il a gardé en travers de la gorge. A plusieurs reprises ces dernières années, il a dénoncé le «carcan législatif» qui «fossilise» l’audiovisuel français et plaidé pour sa «concentration» face à la «concurrence inéquitable» des réseaux et plateformes.