Désinformation et élus politiques : pas tous égaux aux yeux de la loi de Facebook

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Pas tous égaux aux yeux de la loi de Facebook: les réseaux sociaux luttent contre la désinformation sur tous les fronts, sauf un, celui des personnalités politiques, qui peuvent continuer à dire presque tout ce qui leur chante. De quoi relancer le débat sur la responsabilité des plateformes à l’égard des contenus trompeurs ou mensongers. Le président américain Donald Trump, coutumier des déclarations controversées, cristallise à lui tout seul les enjeux de ce débat. Après une série de tentatives de manipulation de l’opinion via les plateformes, Facebook a mis en place un processus de vérification des informations douteuses («fact-checking», ou vérification des faits), pour essayer de rétablir la confiance, aussi bien vis-à-vis du public que des autorités. Mais les hommes et femmes politiques seront exempts de cette vigilance, car le réseau social aux 2,7 milliards d’utilisateurs ne veut pas jouer le rôle «d’arbitre des débats politiques», a expliqué en septembre Nick Clegg, directeur mondial des affaires publiques du géant américain.Les propos tenus par des politiques seront donc traités «comme des contenus informatifs, qui doivent, en général, pouvoir être vus et entendus», a ajouté l’ancien vice-Premier ministre du Royaume-Uni.Pourtant, les arguments des réseaux ne satisfont pas de nombreux élus, surtout face aux efforts répétés de Donald Trump pour répandre des théories du complot et de fausses informations. Joe Biden, candidat démocrate à la Maison Blanche, a critiqué Facebook mercredi pour avoir refusé de retirer une publicité du président relayant de fausses informations à son égard. L’annonce affirme que Joe Biden, lorsqu’il était vice-président de Barack Obama, «a promis un milliard de dollars à l’Ukraine si elle limogeait le procureur enquêtant sur l’entreprise de son fils». Une autre candidate, la sénatrice Kamala Harris, a elle demandé à Twitter de bannir le président pour non-respect des règles de la plateforme quand il accuse de «trahison» les personnes qui le critiquent, et avertit que toute tentative de le destituer constituerait un «coup d’Etat». Les demandes des candidats illustrent bien le dilemme des réseaux sociaux qui veulent préserver la liberté d’expression et les débats politiques, tout en luttant contre les discours haineux, les comportements déplacés ou insultants, et les campagnes de désinformation. Twitter et YouTube offrent des exemptions similaires à Facebook. «Ce compromis est assez troublant, parce que c’est une invitation pour les acteurs politiques à dire tout ce qui les arrange, que ce soit vrai ou pas», commente Paul Barrett, directeur adjoint du Stern Center for Business and Human Rights à l’université de New York et auteur d’un rapport intitulé «Désinformation et l’élection de 2020». Cette étude montre que la majorité des informations fausses ou délibérément trompeuses partagées sur les plateformes ne vient pas de Russie ou d’autres sources étrangères, mais des Etats-Unis. Ce qui complique la tâche des modérateurs. «C’est un casse-tête, il n’y pas de réponse facile», admet le professeur. Le lancement d’une procédure de destitution contre Donald Trump par les élus démocrates a accru les tensions avec les plateformes. Pour le groupe Free Press («presse libre»), dans ce contexte, la politique à deux poids, deux mesures, de Facebook offre une brèche immense au président, qui dépense plus d’argent que tous les autres politiques en publicités sur la plateforme. La sénatrice Elizabeth Warren, candidate démocrate à la présidentielle, a accusé Facebook de céder à la pression de la Maison Blanche. «Trump et Zuckerberg (patron du groupe californien) se sont rencontrés il y a deux semaines. De quoi ont-ils parlé ?», a-t-elle twitté. «Maintenant Facebook est d’accord pour diffuser des publicités contenant des mensonges avérés». Le réseau a maintenu ne pas avoir changé de position.