E. PRIOU (SPI) : «Certaines chaînes privées profitent de la crise comme un prétexte pour faire baisser leurs obligations vis-à-vis du documentaire»

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Cette année encore, le SPI (le Syndicat des Producteurs Indépendants) est présent au Sunny Side of the Doc (du 22 au 25 juin 2020). Lors de cette édition connectée, le syndicat ne manquera pas de défendre le genre documentaire. Tour d’horizon sur l’actualité du documentaire avec Emmanuel PRIOU, Président d’honneur du SPI, producteur et cofondateur de Bonne Pioche.

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Quelle est l’implication du SPI lors de cette édition connectée du Sunny Side of the Doc ?

Emmanuel PRIOU

Le SPI est toujours présent lors du Sunny Side of the Doc. Jeudi 25 juin, le syndicat participe à une importante réunion en fin de matinée avec les régions et les chaînes régionales pour défendre le documentaire. Nous interviendrons également plusieurs fois dans diverses réunions tout au long du festival.

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Quel impact a eu la crise sur les producteurs du genre documentaire ?

Emmanuel PRIOU

Pendant cette période de crise, nous avons eu beaucoup de sujets à gérer et de solutions à apporter aux producteurs indépendants, notamment sur des questions sociales comme la compensation de chômage partiel, l’exonération des charges sociales ou encore la prolongation des droits des intermittents. Nous sommes encore en plein débat sur la question des assurances lors des tournages. Nous n’avons pas encore trouvé d’accord en cas de Covid19 déclaré sur le tournage. Enfin, la crise a mis un coup de freins à la coproduction. Il est en effet très compliqué d’assurer des tournages internationaux.

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Quelles sont vos craintes à venir ?

Emmanuel PRIOU

La crainte de désengagement de certaines chaînes est présente. Elle est même avérée ! En raison de la crise économique, RMC Story et RMC Découverte annulent les contrats. Ce n’est pas un secret, depuis plusieurs années, les chaînes privées essayent de faire en sorte de baisser leurs obligations. Elles profitent de la crise comme prétexte. Ce n’est pas normal.

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Comment se porte le genre documentaire ?

Emmanuel PRIOU

Le genre documentaire est un genre en bataille permanente, notamment sur la question du financement. La grande réforme du CNC devait avoir lieu … Elle va être repoussée. La dernière étude du CNC montre notamment que le documentaire est de moins en moins aidé financièrement et que le genre est retombé au niveau de 2009 avec moins de 2.000 heures aidées. La fiction est le genre le plus soutenu, loin devant le documentaire. Les fictions quotidiennes en sont la raison … Et une nouvelle fiction quotidienne a d’ailleurs été annoncée. Cette dernière va être produite par Newen, une filiale de la chaîne privée TF1. Nous dénonçons cette bizarrerie. Les filiales de chaînes privées n’ont pas le droit d’avoir de l’aide du CNC. Cette zone grise dans le règlement du CNC profite aussi à France.tv Studio. C’est une nouvelle fois inégal. Enfin, nous allons continuer à militer pour que le documentaire soit aidé de la même manière que les autres genres.

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Les plateformes peuvent-elles changer la donne ?

Emmanuel PRIOU

Les plateformes numériques s’intéressent de plus en plus au genre documentaire. C’est positif, mais j’ai néanmoins une certaine crainte. En effet, ces acteurs américains demandent aux producteurs français de produire un documentaire pour les Français qui pourrait intéresser le marché international. Le documentaire est censé être un regard tourné vers le monde. Il faut une plateforme européenne voire française puissante pour éviter un modèle où la vision du monde sera filtrée par le prisme américain.