Échec de la vente de M6: quelles conséquences pour le groupe de télévision et de radio ?

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L’échec de la vente de M6 est-il seulement une occasion ratée pour son actionnaire Bertelsmann ou portera-t-il à conséquence pour le groupe de télévision et de radio?

– Pourquoi M6 n’est plus à vendre? Début 2021, le géant allemand des médias Bertelsmann, présent dans l’audiovisuel via le groupe RTL, l’édition (Penguin Random House) et la musique (BMG), officialise son intention de céder sa participation majoritaire dans le groupe M6, propriétaire en France de chaînes (M6, W9, 6ter, Paris Première, Gulli) et du groupe de radios RTL. Bertelsmann choisit d’abord de marier M6 à son principal rival privé, TF1, propriété du groupe Bouygues. Un choix risqué face à la réglementation sur la concurrence, mais qui doit lui permettre d’empocher 641 millions d’euros tout en conservant 11% de la nouvelle entité. 18 mois plus tard, le groupe reconnaît ne pas avoir réussi à convaincre l’anti-trust et préfère abandonner son projet. De nouvelles offres sont formulées à la hâte, mais le prix proposé par action M6 est plus faible et il est trop tard. Les autorités menacent de ne pouvoir avaliser l’opération avant le renouvellement pour 10 ans de l’autorisation de diffusion de M6, qui échoit en mai. Après cette date, la loi française interdit tout changement de contrôle de la chaîne pendant 5 ans. Sans changement législatif, Bertelsmann devra donc conserver la chaîne jusqu’en 2028.

– Comment la chaîne peut-elle rebondir? Signe de la fin des spéculations, le titre du groupe M6 plongeait mardi d’environ 10% à la Bourse de Paris en début d’après-midi, dans un marché pourtant haussier (+3,4%). Selon une note des analystes d’OddoBHF, les options stratégiques «sont peu nombreuses puisque le groupe ne peut ni fusionner avec TF1, ni envisager un rapprochement international». Reste la possibilité de réaliser dans un 1er temps «de petites acquisitions ciblées» dans la production de contenus, l’achat de droits ou les plates-formes de distribution. Puis, dans un 2nd temps, tenter à nouveau une consolidation du marché avec un concurrent plus petit, comme par exemple NRJ Group (qui édite les chaînes NRJ12, Chérie25 et les stations NRJ, Chérie RM, Rire & Chansons, Nostalgie), imagine la banque d’affaires. Selon le patron du groupe M6 Nicolas de Tavernost, «rien n’empêche (Bertelsmann) de faire entrer des partenaires (minoritaires) qui [l’] aideraient dans [son] développement». Dans un entretien au «Figaro» lundi, il suggère notamment de se renforcer dans les contenus et de développer les activités de streaming vidéo autour de sa filiale technologique Bedrock.

– La télévision française est-elle vraiment condamnée? M6 est le groupe de télé le plus rentable d’Europe et ses marges pourraient encore «croître légèrement ces 3 prochaines années», estime OddoBHF. Malgré l’érosion et le vieillissement des audiences du petit écran, il reste pour le moment «très largement leader et dispose d’une capacité à maintenir, voire à augmenter ses prix», explique l’analyste. Si, à plus long terme, le marché devait être réellement mis en difficulté face aux plates-formes de streaming comme Netflix, Amazon ou Disney, rien n’empêchera de tenter à nouveau une consolidation. «RTL Group reste convaincu que la consolidation du marché est nécessaire pour concurrencer les plates-formes technologiques mondiales – et que la consolidation du marché se produira tôt ou tard sur les marchés européens de la télévision», a indiqué le groupe lundi. En France, le débat promet d’être intense concernant l’adaptation de la loi sur l’audiovisuel. La réglementation française «a fait la preuve qu’elle n’était pas adaptée à l’évolution de notre secteur», a déclaré Nicolas de Tavernost.