Enfants «influenceurs» : l’Assemblée entend donner un cadre légal

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Scènes de la vie quotidienne, tests de produits ou défis en tous genres: une proposition de loi LREM examinée mercredi par l’Assemblée entend donner un cadre légal aux vidéos mettant en scène sur internet des enfants «influenceurs». Son adoption en première lecture ferait de la France une pionnière sur ce sujet, selon le député Bruno Studer, qui porte ce texte adopté à l’unanimité en commission la semaine dernière. Il vise à faire «prévaloir l’intérêt de l’enfant» face à ces vidéos qui peuvent être visionnées des millions de fois et mettent en scène des enfants «souvent très jeunes». Le texte n’est pas une croisade contre les vidéos, insiste le «marcheur»: «Il y a des supers contenus sur Internet. J’ai appris à poser un faux-plafond, mon enfant est fan de pâtisserie parce qu’il en voit d’autres faire de la pâtisserie sur YouTube, je n’ai aucun problème avec ça». Il s’agit principalement d’encadrer les horaires et les revenus des mineurs de moins de seize ans dont l’image est diffusée sur les plateformes vidéos, jusqu’ici objet d’un vide juridique. Pour cela, il faut déterminer si cette activité entre dans le cadre d’une relation de travail. «Je ne veux pas que derrière ces vidéos, les enfants soient victimes de détournements de fonds ou de travail dissimulé», explique M. Studer, qui préside la commission des Affaires culturelles de l’Assemblée. L’ampleur du phénomène est difficile à quantifier, mais Bruno Studer a évoqué «plusieurs dizaines de cas» et des revenus «qui permettent à certains parents d’avoir cessé toute activité». Dans les cas où la relation de travail est avérée, le texte prévoit d’étendre un dispositif déjà existant, qui encadre le travail des enfants du spectacle et des enfants mannequins. Il s’agit d’un régime dérogatoire au code du travail, qui repose sur des demandes d’autorisation administratives ou d’agréments. Les rémunérations perçues par les enfants seraient, au même titre que pour les enfants du spectacle, placées à la Caisse des Dépôts et consignations, jusqu’à leur majorité. Pour les cas dans les «zones grises d’internet», où la relation de travail n’est pas clairement établie, le texte prévoit une déclaration à partir d’un double seuil: de temps consacré par l’enfant aux vidéos et de revenus ainsi engrangés. Ce régime de déclaration obligatoire sera assorti de mesures protectrices sur les revenus et les horaires, notamment l’obligation là aussi de verser les sommes perçues à la Caisse des Dépôts. «Je veux que les gens se posent des questions sur ce qu’ils sont en train de faire avec l’image de leur enfant», rappelle M. Studer. Son texte instaure en outre un «droit à l’oubli» de la personne mineure. Les plateformes de vidéos se verraient obligées de retirer les contenus, sur demande des enfants concernés. Pour le député, pas question de ne pas mettre en responsabilité les plateformes qui diffusent ces vidéos. Elles devront notamment mettre en place des «chartes» pour «améliorer la lutte contre l’exploitation commerciale illégale de l’image d’enfants de moins de seize ans». Elles devront aussi favoriser l’information des utilisateurs sur la législation en vigueur, et signaler les éléments qui portent atteinte à la dignité, à l’intégrité physique ou morale des enfants. Le tout en lien avec des associations de protection de l’enfance, mais aussi avec l’autorité régulatrice qu’est le CSA (Conseil supérieur de l’audiovisuel). Le non-respect de leurs obligations sera passible de sanctions pouvant aller jusqu’à 75.000 euros. YouTube France avait souligné en décembre, au moment de la présentation de la proposition par le député, avoir créé une version pour les familles, «YouTube Kids», et «un guide de bonnes pratiques» pour les contenus pour les familles.