Foot : le rude combat contre le piratage

La lutte contre le piratage, qui frappe durement les ayant-droits comme DAZN pour la diffusion du foot en France, s’axe principalement sur le blocage des sites frauduleux, en raison de la difficulté à traquer et à faire condamner les fournisseurs d’accès à ces services illégaux, souvent basés à l’étranger. Cette complexité à traquer les escrocs du net, utilisant notamment l’IPTV, constitue l’une des raisons du succès du piratage qui a couté selon l’Arcom près de 1,5 milliards d’euros au secteur de l’audiovisuel en France en 2023, et près de 300 millions d’euros pour les contenus sportifs. Poursuivre les acteurs qui organisent la contrefaçon n’est pas une mince affaire», indique une source proche de l’Arcom. «Le plus souvent, ils ne sont pas en France, voire pas en Europe. Pour pouvoir les arrêter, il faut activer des collaborations internationales, qui ne sont pas toujours évidentes», explique-t-elle. Cet écueil, de taille, n’empêche toutefois pas les ayant-droits comme DAZN, qui débourse 400 millions d’euros par saison pour diffuser huit rencontres par journée de Ligue 1, à riposter en engageant des procédures judiciaires dès qu’ils ont identifié des sites frauduleux. Mais ce travail de recensement, titanesque, ne peut pas être fait seul, et c’est là où des intermédiaires entrent en jeu, comme la société Leak ID, qui collabore notamment avec la Ligue de football professionnel. «Nous identifions rapidement les «streams» pirates et tentons ensuite de les faire retirer le plus vite possible. On va sur les réseaux sociaux, sur internet, partout. Dès qu’un site est identifié, on envoie des notifications pour le faire fermer», explique Vincent Helluy, directeur de la lutte contre le piratage et la contrefaçon au sein de Forward Global, qui chapeaute Leak ID. Leak ID et d’autres prestataires prémâchent un travail qui peut parfois prendre des semaines, voire des mois. Une fois les «streams» pirates identifiés, la saisine d’un juge en France est nécessaire pour obtenir une injonction judiciaire ordonnant la fermeture d’un site. C’est ensuite à l’Arcom d’envoyer cette injonction aux fournisseurs d’accès à internet (FAI). «On cherche tout ce qui peut empêcher les pirates, leur rendre la vie plus difficile et rendre la vie plus difficile à ceux qui veulent accéder au compte des pirates, il y a les deux», explique Vincent Helluy. Pour autant, rien de plus simple pour un spectateur désireux de s’offrir à moindre coût la L1 par exemple. Romain, la cinquantaine, habitant en région parisienne, a raconté avoir simplement envoyé un SMS avec l’adresse IP de son téléviseur à l’une de ses connaissances. Quelques minutes plus tard et pour 40 euros versés, il a eu accès à toutes les chaînes payantes chez lui. «C’est hyper simple, et ça marche vraiment bien. il faut juste avoir une bonne connexion et on a accès à tout», assure-t-il. S’il sait que le piratage est illégal, à aucun moment sa démarche n’a été freinée par la peur de se faire prendre. «C’est absolument sans risque. Au pire, ça coupe et on en reprend un autre», explique-t-il. Si l’article L.335-3 du Code de la propriété intellectuelle prévoit des sanctions pour les utilisateurs, elles ne sont quasiment jamais appliquées. «Pour le grand public, il y a des enjeux forts. Parce qu’aujourd’hui, il y a beaucoup de gens qui pensent que c’est indolore de pirater. Indolore à la fois pour eux et pour l’écosystème légal, sauf que ce n’est pas le cas», insiste Vincent Helluy. Le risque est toutefois faible, tout comme les sanctions encourues. «Le trafic de drogue, c’est très lucratif mais on risque gros: des peines de dizaines d’années d’emprisonnement. En matière de contrefaçon sur internet, si vous êtes un grossiste, la peine que vous risquez, c’est trois ans d’emprisonnement», explique Me Richard Willemant, spécialisé dans la propriété intellectuelle. «Après, c’est un combat sans fin, comme pour beaucoup d’autres formes de délinquance, on arrive à réduire l’intensité du phénomène, mais jamais à totalement le neutraliser», explique-t-il.