Cellatex, Moulinex, Metaleurop… Ces drames sociaux ont inspiré un roman, «Les vivants et les morts», paru en 2004. Son auteur, Gérard Mordillat, en a fait une série en huit épisodes dont la force romanesque permet de saisir tout l’impact humain d’une fermeture d’usine. L’histoire se passe à Raussel, une petite ville du Nord. Rudi et sa femme, qui répond au nom improbable de Dallas, travaillent à La Coz, une usine de fibre plastique pour couches culottes.Après des pluies diluviennes, l’usine est inondée. Rudi et son équipe parviennent à la sauver. Quelques jours plus tard, le groupe basé au Luxembourg annonce un plan social, soi-disant pour éviter un dépôt de bilan. Mais La Coz sera en fait condamnée à mort peu après par des racheteurs américains: pas assez rentable. Occupation, piquets de grève, séquestrations, menaces de «faire sauter» l’usine, syndicats débordés par leur base, déchirements au sommet… A mesure que le conflit se radicalise, les rapports humains deviennent plus durs, plus intenses. Grâce à une flopée de personnages, ouvriers, patrons, élus, journalistes, ces relations sont décortiquées dans toute leur complexité pour montrer toute la violence que provoque une fermeture d’usine. Sans pour autant tomber dans le manichéisme. «C’est un film engagé, pas militant. Je ne défends pas la cause d’un parti ou d’un syndicat», explique Gérard Mordillat. «Dans des conflits comme Cellatex, j’ai vu se briser un tabou que je croyais indestructible: des ouvriers s’en prenant à leur outil de travail. Cela révélait un désespoir inconnu jusqu’alors», confie le romancier et réalisateur, qui fut lui-même ouvrier imprimeur.