France Télécom: les prévenus étaient «obnubilés par les profits de l’entreprise» (partie civile)

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Les anciens dirigeants de France Télécom, jugés pour «harcèlement moral» dix ans après des suicides de salariés, étaient «obnubilés par les profits de l’entreprise» et ont fait passer «au second plan» la sécurité des employés, a critiqué jeudi dans sa plaidoirie l’avocat du syndicat CFE-CGC.

«Votre décision va devoir envoyer un message très fort (…): la santé des travailleurs ne saurait jamais être subordonnée à des considérations purement économiques», a déclaré au tribunal Frédéric Benoist, au début de sa plaidoirie. «De cette dérive, ce dossier est une parfaite illustration», a-t-il ajouté. France Télécom, devenue Orange en 2013, et ses anciens dirigeants, dont Didier Lombard, Président Directeur Général de 2005 à 2010, sont jugés pour «harcèlement moral», défini dans le code pénal comme «des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail».

Au coeur du procès, qui s’intéresse à la période 2007 – 2010: les plans Next et Act, qui visaient à transformer France Télécom en trois ans, avec notamment l’objectif de 22.000 départs. L’entreprise comptait alors plus de 100.000 salariés, dont une majorité de fonctionnaires, qui n’étaient donc pas licenciables. «Obnubilés par les profits de l’entreprise, (les prévenus) ont fait passer la sécurité et la santé des agents au second plan, derrière des considérations économiques. (…) Pétris des seuls objectifs économiques, ils ont oublié l’essentiel», a plaidé Me Benoist. Les prévenus ont, selon l’avocat, «pris le risque d’aboutir à de tels drames».

Depuis le début du procès le 6 mai, le tribunal a analysé les cas de trente-neuf parties civiles, retenues par les magistrats instructeurs. Parmi elles, dix-neuf se sont suicidées. Pour Frédéric Benoist, les sept prévenus «tentent grossièrement de tromper le tribunal», en affirmant que l’entreprise était au bord du dépôt de bilan et que les 22.000 départs devaient se faire «naturellement». «Les dirigeants ont distillé leur politique déflationniste auprès des managers. (…) Certains ont appliqué cette politique notamment parce que leur prime en dépendait», a estimé l’avocat. Il rejette l’idée d’une dérive de quelques managers: «On ne dérive pas d’un cap fixé par sa hiérarchie. On suit ce cap».

L’avocat parle même d’une «chasse aux fonctionnaires». Me Benoist dénonce «la déresponsabilisation collective des prévenus», qui n’ont «rien vu», «rien entendu». «Ils savaient que la réorganisation serait violente; ils auraient dû anticiper. (…) Ils n’ont pas réagi car ils étaient volontairement sourds». Les plaidoiries des parties civiles se poursuivent jeudi après-midi avec les avocats du syndicat SUD. Les procureures présenteront leurs réquisitions vendredi.