«Gilets jaunes»: les reporters de BFMTV se rebiffent

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Régulièrement pris pour cibles dans les manifestations des «gilets jaunes», les reporters de BFMTV ont décidé de boycotter les ronds-points lundi dernier, illustration des relations toujours plus tendues entre ce mouvement et les médias. Samedi, une équipe de journalistes de la chaîne et leurs gardes du corps ont essuyé des coups lors d’une manifestation de «gilets jaunes» à Rouen, tandis qu’une de leurs collègues a été légèrement blessée sur les Champs-Élysées par un jet de pétards qui l’a délibérément visée, selon la rédaction. Après ces nouveaux incidents, «l’ensemble du service reportage, appuyé par la rédaction, a décidé d’un commun accord de ne pas se rendre sur un rond-point ou une quelconque mobilisation du mouvement des «gilets jaunes» ce lundi en signe de protestation», selon un message des journalistes à leur direction. «Nous ne souhaitions pas donner la parole à des «gilets jaunes» ce lundi pour contester l’action de certains d’entre eux», a expliqué François Pitrel, président de la SDJ de BFMTV, pour justifier ce «droit de retrait» des journalistes après ces incidents qu’il juge «extrêmement graves et inquiétants (…) pour la liberté de la presse». Une décision jamais vue dans l’histoire de la chaîne. «Vu ce qu’il s’est passé ce week-end et les week-ends précédents, cette décision est compréhensible», a jugé le DG de la chaîne, Hervé Béroud, estimant que «cette expression de violence contre les journalistes et en particulier ceux de la chaîne est inédite». Ce nouvel épisode illustre la tension croissante entre les «gilets jaunes» et les médias, en particulier les chaînes de télé, des manifestations ayant été organisées ces dernières semaines devant les sièges de BFMTV et France Télévisions à Paris. Ce mouvement est né sur les réseaux sociaux, et ses membres privilégient la communication directe via ces mêmes réseaux, et nourrissent pour beaucoup une grande méfiance voire une franche hostilité à l’égard des chaînes d’info, qu’ils jugent inféodées au gouvernement et/ou aux pouvoirs économiques. Et depuis le début des manifestations de «gilets jaunes», les journalistes de BFMTV, 1ère chaîne d’info du pays et filiale du groupe Altice de Patrick Drahi, sont régulièrement pris pour cible, à l’instar d’autres médias. La chaîne, qui fait accompagner ses équipes sur le terrain d’agents de sécurité, dépose plainte systématiquement quand ses journalistes sont agressés. Ces agressions compliquent singulièrement la couverture des événements par les médias, déjà difficile dans la mesure où beaucoup de «gilets jaunes» refusent de leur parler et n’hésitent pas à fustiger leurs camarades qui le font. Une des figures du mouvement, l’aide-soignante Ingrid Levavasseur, a d’ailleurs renoncé ce week-end à intervenir comme chroniqueuse à l’essai dans une émission de BFMTV, après avoir reçu des «messages hostiles voire insultants et menaçants». Des tensions qui n’empêchent pas la chaîne de couvrir quasiment non-stop le mouvement et de réaliser depuis fin novembre des audiences très élevées. De façon globale, les journalistes sur le terrain peuvent se retrouver aujourd’hui pris entre le marteau et l’enclume, entre des manifestants qui leur sont ouvertement hostiles d’un côté, et des forces de l’ordre qui font parfois usage de la force (comme des tirs de lanceurs de balles de défense ou de grenades lacrymogènes, voire des coups de matraque) à leur encontre. «Les journalistes se retrouvent pris en étau entre les violences de certains gilets jaunes et celles de policiers, alors qu’ils ne font qu’exercer leur mission d’information. Si le mouvement venait à se prolonger, les journalistes doivent pouvoir continuer à être témoins de cette mobilisation sans craindre pour leur sécurité», avait dénoncé la semaine dernière l’association RSF. Lundi après-midi, le CSA se réunissait pour examiner à nouveau la couverture médiatique des manifestations.