IA générative : une nouvelle dimension pour l’industrie musicale

Le recours à l’IA générative bouscule la création musicale et ouvre une nouvelle ère pour un marché prospère mais qui doit protéger ses artistes, ont estimé des acteurs internationaux de de la musique réunis à Paris vendredi. «Comme pour beaucoup d’autres industries, l’essor de l’IA générative a le potentiel de transformer considérablement l’industrie de la musique. Elle accélère et réduit le coût de la création et de la production de contenus», observe Lisa Yang, analyste pour la banque américaine Goldman Sachs. «Les dix dernières années ont été consacrées à la démocratisation de l’accès, non à la démocratisation du processus de création», soulève-t-elle, rappelant que le «principal défi» réside dans la protection des droits d’auteur et une «perte potentielle de revenus pour les créateurs humains». Comme elle, des représentants français et internationaux se sont exprimés sur l’avenir de ce marché mondialisé, depuis l’opéra Garnier, dans le cadre de la 1ère France Music Week. L’impact de l’IA générative a été au coeur des débats, entre «outil» à la création et menace pour une industrie mondiale qui affiche une forte croissance – record de 29,6 milliards de dollars (27,2 milliards d’euros) l’an dernier, +4,8% – mais reste marquée par la précédente crise du disque. «Je dirais que l’IA est définitivement une tornade», déclare pour sa part Robert Kyncl, patron du label américain Warner, ajoutant être attentif à ses résultats et la manière de les monétiser. Les majors du disque mènent en ce moment des négociations avec les entreprises d’IA en vue d’instaurer des accords de licence pour encadrer et rémunérer l’utilisation des oeuvres. En parallèle, les artistes ont eux aussi recours à l’IA générative dans leur processus de création, pour écrire des paroles ou composer des choeurs par exemple. «Il s’agira de savoir ce que le consommateur veut écouter», avance Dustee Jenkins, directrice des affaires publiques du leader du streaming Spotify, estimant qu’il pourrait y avoir une cohabitation entre des musiques issues de différents processus créatifs. Mais «l’IA ne peut pas créer une base de fans, elle ne peut pas partir en tournée, du moins pas encore. Elle ne peut pas se vendre de la même manière qu’un artiste. Donc, parce que vous avez cette connexion humaine avec la personne, le talent, la passion, le coeur, l’âme, l’IA ne peut pas reproduire cela», affirme-t-elle. Pour autant, la musique a toujours été irriguée par les évolutions technologiques, comme le synthétiseur, et l’IA est déjà là. «Même si j’entends que ces contenus ne sont pas consommés sur les plateformes pour l’instant, en tout cas pas beaucoup, ils le sont dans certains cas, dans la sphère récréative, dans l’accompagnement, dans le «fast-food music»», note Olivier Nusse, PDG d’Universal Music France. «Mais pour autant, ils ne peuvent pas avoir les mêmes droits que ceux qui arrivent à des artistes, absolument pas», martèle-t-il, appelant à «être extrêmement transparent». «Nous voulons permettre à tous les artistes, mais aussi à tous les acteurs clés de votre industrie, d’utiliser l’IA. Mais nous voulons des règles claires afin de préserver les droits des artistes», lui a fait écho le président Emmanuel Macron, en clôturant l’événement à l’Elysée. «A nous de porter collectivement un usage éthique et responsable de l’IA, dans le respect des auteurs et de tous les acteurs qui oeuvrent pour son déploiement», a également déclaré la ministre de la Culture Rachida Dati, rappelant l’ouverture début juin de concertations entre fournisseurs d’IA et ayants droit. Plus tôt, la plateforme de streaming française Deezer a elle annoncé que les albums contenant des titres entièrement générés par IA étaient désormais signalés par une mention à l’attention de ses utilisateurs, une 1ère mondiale selon l’entreprise. «Ce dont Deezer veut s’assurer, c’est qu’on ne prend pas les droits d’auteur qui doivent aller aux artistes», a expliqué son DG Alexis Lanternier.