Le milliardaire indien Gautam Adani, proche du Premier ministre Narendra Modi, qui tente d’acheter NDTV, vue comme la dernière grande voix «quasi indépendante» du paysage audiovisuel indien, suscite l’inquiétude des défenseurs de la liberté de la presse dans la plus grande démocratie du monde. L’offre d’achat hostile de NDTV par Gautam Adani, la plus grande fortune d’Asie avec des intérêts allant des mines de charbon australiennes aux ports les plus fréquentés d’Inde, a été annoncée tard mardi après une prise de participation indirecte de 29%. Selon NDTV, l’offre d’actionnaires de céder 26% supplémentaires a été faite «sans aucune discussion» avec le radiodiffuseur, «ni le consentement des fondateurs de NDTV», la journaliste Radhika Roy et l’économiste Prannoy Roy. Contrairement à la myriade de chaînes d’information continue de l’Inde, les 2 chaînes détenues par NDTV, l’une en hindi et l’autre en anglais, laissent entendre les voix discordantes et critiques du gouvernement et diffusent des reportages sans concessions. Le radiodiffuseur est confronté à une série d’actions en justice visant certains de ses reportages, selon ses propriétaires.Mercredi matin, un salarié de NDTV évoque un «sentiment général de choc et d’incrédulité» dans la salle de rédaction après l’annonce. «Nous n’avons appris le rachat que par les flashs des autres chaînes et agences de presse, puis cela a été la descente aux enfers», ajoute ce salarié qui a requis l’anonymat, de crainte d’être licencié par les nouveaux patrons. «Geeta Seshu, fondatrice du Free Speech Collective, une organisation de défense de la liberté de la presse, regrette que «l’espace du journalisme indépendant se soit réduit de façon alarmante ces dernières années». «Les quelques journalistes courageux qui continuent à diffuser de l’information se débattent dans des procès, ou dorment en prison pour de longues périodes sans caution, cibles d’attaques ou encore réduits définitivement au silence», affirme-t-elle. Reporters sans frontières, organisation internationale de défense de la liberté de la presse, a dénombré un journaliste tué cette année et dix autres actuellement emprisonnés en Inde, estimant que c’est «l’un des pays les plus dangereux dans ce domaine». Depuis que M. Modi est au pouvoir, l’Inde a perdu 10 places dans le classement de l’organisation internationale, passant au 150e rang sur 180. Bien que NDTV ait été «en difficulté» sur le plan commercial depuis un certain temps, poursuit Mme Seshu, «la manière dont ce rachat a été effectué est choquante, à considérer cet étalage obscène de la puissance économique et politique». Le milliardaire autodidacte Adani, 60 ans, a dépassé cette année son compatriote Mukesh Ambani en devenant l’homme le plus riche d’Asie, pesant quelque 139 milliards de dollars, selon «Forbes» qui le classe au 4ème rang mondial derrière Jeff Bezos et devant Bill Gates. Son groupe s’est développé ces dernières années, en s’attaquant à de nouveaux champs d’activités (aéroports, énergies renouvelables). L’influence de M. Ambani s’est également accrue sous M. Modi. Il posséde désormais plus de 70 médias représentant une audience d’au moins 800 millions d’Indiens, selon RSF. Pour P. Saintath, fondateur et rédacteur en chef de People’s Archive of Rural India, plateforme numérique de reportages, «la concentration a tué l’indépendance des médias en Inde depuis déjà trois décennies». Toutefois, NDTV est une chaîne qui a fait preuve «d’indépendance de vue et d’intégrité», juge M. Saintath. Selon Hartosh Singh Bal, journaliste du magazine indépendant Caravan, NDTV «restait la seule chaîne que l’on pouvait qualifier de quasi indépendante».
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