Japon: Fuji TV, ex-mastodonte du divertissement ébranlé par le scandale visant l’un de ses présentateurs vedettes

Fuji TV, l’une des principales chaînes de télévision japonaises, a longtemps diffusé les programmes les plus populaires du pays avant de voir ses audiences s’effriter et d’être ébranlée depuis décembre par les allégations d’agression sexuelle visant l’un de ses présentateurs vedettes. Masahiro Nakai, ex-chanteur du boys-band SMAP dans les années 1990 et devenu présentateur adulé sur Fuji TV, a été accusé fin décembre par un influent tabloïd d’avoir imposé un acte sexuel non consenti à une femme en 2023, lors d’une soirée organisée selon la presse par un employé de la chaîne. Koichi Minato, président de Fuji TV, et Shuji Kanoh, président du conseil d’administration de Fuji Media (maison-mère de la chaîne), ont démissionné lundi, après des semaines de pression sur le manque de transparence de l’entreprise. Fondée en 1957 à Tokyo, Fuji Television -une chaîne privée- a commencé à diffuser des programmes pour Tokyo, puis pour les régions voisines de l’est du Japon deux ans plus tard. En 1963, elle diffuse le premier dessin animé produit localement: «Astro Boy» («Tetsuwan Atomu» en japonais), d’après la série de mangas «Astro le petit robot». C’est le début d’une prolifique industrie nippone des productions télévisées. Peu à peu, Fuji TV s’impose comme la chaîne la plus regardée du pays pour ses émissions de comédie et de divertissement au ton très léger, comme «It’s not TV if it’s not fun», des programmes de chanson populaire, de quizz, ou encore des feuilletons. Toujours basée dans la capitale nippone -même si elle a déménagé son siège vers un quartier périphérique-, elle fait son entrée en 1997 à la Bourse de Tokyo et prend en 2008 le nom Fuji Media Holdings, dont Fuji TV est désormais une entité. La chaîne a cependant dû affronter dans les années 2010 un effritement drastique de ses audiences, la poussant à repenser ses programmes pour tenter de rajeunir son audience. En plus de ses émissions et séries télévisées, Fuji Television a produit plusieurs films, dont «Une affaire de famille», un long-métrage réalisé par Hirokazu Kore-Eda qui a remporté la prestigieuse Palme d’or au festival de Cannes en 2018. En juin dernier, elle avait annoncé avoir signé un accord de licence avec Netflix dans le cadre de sa stratégie de vente de ses contenus à l’étranger. Outre la chaîne de télévision, Fuji Media gère une station de radio et une maison d’édition, des activités de développement urbain comprenant des immeubles de bureaux et résidentiels ainsi que des hôtels, installations logistiques et centres de soins pour personnes âgées. Le groupe s’implique également dans des évènements artistiques, comme la prochaine Triennale d’Odaiba, prévue à l’automne à Tokyo. Mais Fuji TV reste la vitrine et le navire-amiral, dont le scandale autour de Masahiro Nakai ébranle l’équilibre économique: quelque 70 annonceurs, dont de grandes marques comme Toyota, ont déserté la chaîne. L’un des grands actionnaires, Rising Fun, filiale du fonds d’investissement américain Dalton Investment, avait début janvier fustigé le groupe, se disant «scandalisé» par son absence de communication. Il y a «de graves manquements dans la gouvernance d’entreprise au sein de Fuji Media Holdings. La colère (…) ne va clairement pas disparaître» s’était encore indigné Rising Fun mi-janvier, exigeant une enquête indépendante. Le titre de Fuji Media a perdu quelque 15% à la Bourse de Tokyo entre le début du scandale et le 9 janvier, avant de se reprendre ensuite et il a désormais effacé ses pertes des dernières semaines.