«La Peste» en 2030: une adaptation audacieuse et humaniste sur France 2 

Se replonger dans «La Peste» quatre ans après la crise sanitaire: France 2 propose une relecture inédite du roman d’Albert Camus se déroulant en 2030 et en résonance assumée avec la pandémie. Après «Madame Bovary», «Germinal» et «Les Particules élémentaires», la chaîne va diffuser cette nouvelle adaptation d’une grande oeuvre littéraire en deux fois, les 4 et 11 mars, à 21H10, réalisée par Antoine Garceau. Premier succès de librairie de Camus, et classique de la littérature étudié par des générations de lycéens, «La Peste» a suscité de multiples interprétations, son auteur ne répondant jamais directement à la question: de quoi l’épidémie qui touche la ville d’Oran, en Algérie, est-elle l’allégorie? Si le contexte de l’écriture du roman à partir de 1941 en fait naturellement une métaphore de l’Occupation allemande, une relecture plus récente, celle de l’universitaire franco-américain Olivier Gloag dans l’essai «Oublier Camus», examine l’hypothèse de l’indépendantisme algérien. Signée par le journaliste et écrivain Georges-Marc Benamou qui a réalisé en 2020 pour France 2 «Les Vies d’Abert Camus», cette adaptation mise en chantier avant le Covid-19 joue la carte de l’anticipation. Et décrit la gestion autoritaire d’une crise sanitaire. «Le parti pris avec Gilles Taurand, co-scénariste, a été d’éviter la littéralité. Le Covid nous a poussé à une certaine audace en allant vers la dystopie pour aborder les dangers à venir: la surveillance généralisée, le risque de la sélection naturelle, les nouveaux totalitarismes…», souligne Georges-Marc Benamou. Dès le début du projet, Catherine Camus, la fille de l’écrivain, a donné carte blanche au tandem Benamou-Taurand, saluant au final «une adaptation respectueuse, complètement dans l’esprit de (son) père». «Avec +La Peste+, Camus a tout vu du Covid. On retrouve le déni des autorités au début, le problèmes des masques et une forme de dictature sanitaire. Nous avons mis en mouvement le roman parfois un peu statique en créant notamment des personnages féminins», ajoute M. Benamou. 

«Film de résistance» : «Ce n’est pas un «film de virus», mais un film humaniste, d’espérance et de résistance», estime-t-il. «Il fallait faire de ce roman à portée philosophique, une série populaire». Les droits d’adaptation ont fait l’objet d’une bataille avec des plateformes dont Netflix, mais France 2 l’a emporté «en raison de la confiance éditoriale de Catherine Camus». La fille de l’écrivain a d’ailleurs suggéré le comédien Frédéric Pierrot (le psy de la série à succès «En Thérapie») pour interpréter le Dr Bernard Rieux, protagoniste et narrateur du roman. La série démarre avec les premières lignes paraphrasées du roman, tandis que dans la torpeur de l’été, sur une plage bondée, un rat galope entre les parasols, déclenchant la frayeur des vacanciers. Quelques jours après, les premiers décès suspects sont constatés… «De l’avis général, les curieux événements qui se sont produits dans ma ville en cet été 2030, sortaient de l’ordinaire (…) Ici comme ailleurs, les hommes et les femmes ou bien se dévorent rapidement dans ce qu’on appelle l’acte d’amour. Ou bien s’engagent dans une longue habitude à deux… Ce qu’il y a de plus original dans notre ville, c’est la difficulté qu’on peut trouver à y mourir… «, dit en voix off Frédéric Pierrot, alias le Dr Rieux. Dans cette ville méditerranéenne anonyme touchée par un variant de la peste, le gouvernement central décide de boucler la cité en appliquant un mystérieux «plan D». «Ce que Camus veut nous dire dans le roman, c’est que la peste sommeille en chacun de nous», estime Georges-Marc Benamou. «Cette dimension métaphorique – la peste, c’est le totalitarisme – nous a donné l’idée d’une dystopie qui n’exclut en aucun cas le réalisme de l’épidémie».