Mettre les infos en fond sonore pendant le dîner ou un dessin animé pour mieux faire passer la soupe du petit dernier? Mieux vaut éviter si l’on en croit une étude française qui conclut à des effets négatifs sur le développement du langage. Les jeunes enfants exposés à la télévision pendant les repas de famille ont en moyenne un niveau de langage plus faible, montre l’étude française publiée mardi, qui invite à réfléchir aux usages des écrans plus qu’au temps d’exposition. «On voit que l’implication des parents et la manière dont on se sert des écrans est très importante, il ne faut pas se focaliser uniquement sur la quantité», souligne Jonathan Bernard, chercheur à l’Inserm et co-auteur principal de l’étude. Les auteurs ont suivi pendant plusieurs années 1.500 jeunes enfants, en demandant aux parents si la télévision était allumée pendant les repas, avec quelle fréquence, ainsi que le temps total passé par les enfants devant la télévision, l’ordinateur ou les jeux vidéo. Ils ont parallèlement évalué le développement de leur langage: pour les enfants âgés de deux ans, les parents ont indiqué quels mots leur enfant savait dire spontanément, parmi une liste de 100. Puis, à trois ans et cinq ans et demi, un psychologue a mesuré leur «quotient intellectuel verbal», la partie des tests de QI qui porte sur les aptitudes liées aux échanges verbaux (fluidité du langage, compréhension, capacité à répéter des phrases, à décrire une image, etc. Résultat: ils n’ont pas trouvé de corrélation entre le temps total d’exposition à la télévision et le niveau de langage des enfants. En revanche, «l’exposition à la télévision pendant les repas familiaux est systématiquement associée à des scores de langage plus faibles», à tous les âges étudiés, selon l’article, paru dans la revue Scientific Reports. Ainsi, les enfants de deux ans qui mangent avec la télé «toujours» allumée ont en moyenne un score inférieur de 5,9 points (sur un total maximum de 100) par rapport à ceux chez qui le petit écran n’est «jamais» allumé pendant les repas. Et ce, «indépendamment du temps d’écran quotidien» total. Quelques années plus tard, le quotient intellectuel verbal évalué à l’âge de cinq ans et demi s’est révélé inférieur de 3,2 points chez les enfants toujours exposés à la télévision pendant les repas à l’âge de deux ans, comparé à ceux qui ne l’étaient jamais. L’étude met en évidence une corrélation statistique et non un lien de cause à effet entre exposition à la télévision et développement du langage. «La télévision pendant les repas peut constituer un frein aux interactions verbales de l’enfant, diminuant à la fois la qualité et la quantité des échanges entre enfants et adultes», en distrayant les uns et en détournant l’attention des autres, avance toutefois Jonathan Bernard comme explication possible. Son équipe continue à suivre les enfants de l’étude, aujourd’hui adolescents, pour voir «si ces effets sur le langage persistent et s’ils ont des répercussions sur le niveau scolaire», ajoute le spécialiste de santé publique.Les chercheurs s’intéressent aussi «à l’impact d’autres types d’écrans, les smartphones et les tablettes dont ces enfants ont fait l’acquisition ces dernières années». Les enfants de trois à six ans passent en moyenne 1 heure 45 par jour devant les écrans et cette durée dépasse 3 heures pour 17% d’entre eux, selon des chiffres de l’Anses publiés en 2017. «Avant trois ans, évitez de mettre votre enfant dans une pièce où la télévision est allumée, même s’il ne la regarde pas», préconisent depuis 2018 les autorités sanitaires, dans des «repères» pour les parents, diffusés notamment dans le carnet de santé. «Jouer et interagir» avec un enfant est «la meilleure façon de favoriser son développement», ajoutent-elles.
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