Le collège à l’école des médias et des réseaux sociaux

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«On fait les manettes de console avec des truffes de chiens!»: Infox ou vraie info? Les élèves de sixième avancent chacun leurs arguments sur la crédibilité de l’article, qui affiche en preuve la photo d’une playstation et d’un museau canin. «Le site est très douteux», juge Eleonore, qui bénéficie comme ses 27 autres camarades de classe d’au moins une heure par semaine de cours d’éducation aux médias et à l’information dans ce collège du Raincy, en Seine-Saint-Denis. Leur enseignante, Alexandrine Lopez-Follin, leur a montré cette brève parue sur Nordpresse. Ayoub souligne qu’à côté de cette nouvelle, on peut en lire d’autres sur ce site tout aussi bizarres, ainsi que «des publicités assez gênantes». Et pourtant, «ce nom «Nordpresse» a l’air sérieux», remarque-t-il. Mme Lopez-Follin, responsable du centre de documentation du collège, leur donne quelques conseils: «D’autres sites d’informations, considérés comme fiables, répercutent-ils la même nouvelle ?». Ce n’est pas le cas. En revanche, relève Ayoub, «Nordpresse affirme que Sony est chinois, alors qu’il est japonais». Guidés par Mme Lopez-Follin, les collégiens vont découvrir que ce site belge – son adresse internet se termine par «.be» – se veut satirique. On apprend d’ailleurs en quelques clics qu’il «permet à quiconque de participer à la rédaction d’articles rigolos pour détruire le monde».Pendant cette séance de deux heures, les collégiens ont dû, dans un premier temps, éplucher sur un ordinateur en binôme deux articles qu’ils ont choisis à partir d’une sélection faite par leur enseignante. Après quelques recherches sur internet, ils ont rempli une petite «fiche outil», où ils ont précisé la source de la nouvelle et s’il s’agit d’une info ou d’une infox, en donnant leurs arguments. Dans un second temps, ils ont discuté tous ensemble des différentes nouvelles et de la meilleure façon de repérer le vrai du faux. Les élèves de cette génération, constate Mme Lopez-Follin, «sont confrontés à un nombre très important d’informations sans filtre dès leur plus jeune âge». «Face à un écran, sans médiation de la part des parents, ils peuvent se retrouver face à des contenus mensongers sans qu’ils s’en rendent compte», ajoute-t-elle. Un constat largement partagé par tous les professionnels. Pour y remédier, l’Arcom (ex-CSA, le régulateur de l’audiovisuel) et le CLEMI (Centre pour l’éducation aux médias et à l’information) ont mis en place toute une série de formations destinées aux enseignants et aux élèves. Chaque année a également lieu une semaine dédiée à ce sujet dans les écoles, qui démarre ce lundi. L’an passé, quatre millions d’élèves ont bénéficié d’un tel enseignement dans ce cadre, selon l’Arcom. La difficulté, explique Mme Lopez-Follin, c’est qu’»il faut être à la page de leurs dernières habitudes, se renseigner et apprendre nous-mêmes à utiliser les outils qu’ils utilisent pour ne pas être en décalage complet». L’avènement du numérique depuis une vingtaine d’années a bouleversé les habitudes: si les grands-parents s’informaient en lisant un quotidien papier, leurs petits enfants vont sur les réseaux sociaux et les plateformes, délaissant même la télévision regardée par leurs parents. A son arrivée il y a neuf ans au collège, l’enseignante se souvient qu’était beaucoup utilisé Facebook, abandonné depuis pour Instagram et Snapchat. Selon elle, les enfants sont «dans le sensationnel et l’émotionnel tout le temps (…). Ils deviennent récepteurs et propagateurs de fausses informations sans s’en rendre compte». Mais, en même temps, ils s’avèrent «très réceptifs» aux séances d’éducation. «On voit bien quand ils en ressortent qu’ils comprennent le mécanisme», estime-t-elle. Interrogé à la fin du cours, Clément explique que désormais, «il se méfie plus et va vérifier» les informations. En ce qui concerne les manettes fabriquées avec les truffes de chien, il affirme que «si ça avait été vrai, j’aurais arrêté de jouer à la console». Une «fake news» qui pourraient inspirer des parents…