Le secteur du cinéma survivra-t-il à la seconde vague de Covid-19?

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Le secteur du cinéma survivra-t-il à la seconde vague de Covid-19? Les professionnels, asphyxiés par la crise sanitaire, étaient résignés jeudi après l’annonce d’un reconfinement du pays, engendrant de facto la fermeture des salles obscures. Pas surpris mais un peu hébétés. Représentants des auteurs et réalisateurs, exploitants de salles de cinéma… Tous sont unis dans la même détresse. Comment sortir la tête de l’eau alors que les salles vont devoir baisser le rideau une nouvelle fois ? «C’est un moment très triste pour le pays et bien sûr pour le cinéma. Pour nous, c’est un peu le retour à la case départ. Il va falloir tout reconstruire à nouveau», explique Marc-Olivier Sebbag, délégué général de la Fédération nationale des cinémas français. Ce reconfinement intervient au moment même où l’industrie pensait entrevoir la lumière au bout du tunnel. Avec plus de trois millions d’entrées, «la semaine dernière a été la meilleure semaine depuis la réouverture des salles» le 22 juin, souligne M. Sebbag. Après avoir été contraintes de fermer au printemps, pour une durée inédite de 100 jours, les salles ont été boudées par le public pendant l’été. En cause notamment, l’absence de blockbusters américains. Car si la plupart des productions françaises ont fait le pari de la solidarité avec les exploitants, les grosses productions étrangères ont préféré, elles, différer leur sortie.Comme le très attendu James Bond, «Mourir peut attendre», initialement prévu en avril, qui a été décalé une première fois au 11 novembre, avant d’être à nouveau reporté au 31 mars. Idem pour le dernier Pixar «Soul», qui ne sera finalement plus disponible qu’en streamig sur la plateforme Disney à partir du 25 décembre. Seule exception, «Tenet» de Christopher Nolan, sorti fin août et qui a fait plus de deux millions d’entrées en France. Une situation qui complique encore plus la vie des exploitants indépendants: «la pénurie de films est un vrai problème car dès qu’un film sort, toutes les salles se ruent dessus. Mais la demande, elle, stagne», explique Fabien Houi, président des Cinémas indépendants Parisiens (CIP). En amont de la chaine de production, l’inquiétude est tout aussi vive. «La question, c’est combien de temps on va pouvoir tenir dans ces conditions», soupire Pierre Jolivet, président de la Société civile des auteurs, réalisateurs et producteurs (ARP). «La création sera au rendez-vous, assure-t-il. Le problème en revanche, c’est la visibilité».Le Premier ministre Jean Castex a indiqué jeudi que les tournages étaient autorisés. Quand les films en gestation pourront-ils sortir ? Y aura-t-il encore des salles ouvertes ? Va-t-on inexorablement vers une paupérisation du secteur ? Des questions, à ce jour, sans réponses.

L’autre problème, pointé par de nombreux experts, c’est la question autour des plateformes de streaming. Si les salles restent fermées ou boudées par le public, les plateformes risquent-elles de remplacer définitivement les salles obscures ? «A un certain niveau de production, on a besoin du cinéma», relativise Fabien Houi, pour qui les plateformes ne pourront pas «acheter cinq ou six films à 30 millions de dollars chacun». En attendant, l’Etat, comme le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), restent au chevet du secteur. La semaine dernière, la ministre de la Culture Roselyne Bachelot annonçait une nouvelle enveloppe budgétaire pour le spectacle vivant et le cinéma, dont 30 millions d’euros uniquement pour le 7e art. Une politique «volontariste en faveur de la culture et du cinéma» saluée par Thierry Frémaux mardi lors de l’ouverture de l’édition symbolique du Festival de Cannes. «La reconstruction est possible», résume Marc-Olivier Sebbag. Mais le chemin sera long et ne se fera pas sans l’appui financier de l’Etat, ajoute-t-il.