Les adolescents ghanéens se tournent vers les arnaques en ligne

Dans les ruelles poussiéreuses de Nima, un bidonville situé au coeur de la capitale ghanéenne Accra, un adolescent de 17 ans surnommé Ghost est affalé sur une chaise en plastique défraîchie dans un cybercafé mal éclairé. Ses doigts dansent sur le clavier, les yeux rivés sur WhatsApp, tandis qu’il met au point une arnaque par hameçonnage qui pourrait lui rapporter des milliers de cédis – la monnaie ghanéenne – en quelques heures. «J’ai gagné 12.000 cédis (860 dollars) le mois dernier», explique à voix basse Ghost, grâce à la boutique en ligne qu’il a créée sur Instagram. «Les gens achetaient des téléphones et des ordinateurs portables, mais rien de tout cela n’existait», admet-il. Ghost fait partie d’un nombre croissant d’adolescents d’Accra qui se tournent vers la cybercriminalité pour survivre dans un pays en proie à une sévère crise économique depuis plusieurs années. Selon les statistiques nationales, le taux de chômage des jeunes entre 15 et 24 ans dépasse les 30%. De la fraude aux paiements par téléphones mobiles à l’escroquerie à l’investissement, un monde numérique de l’illégalité attire les mineurs, dont beaucoup travaillent depuis leur chambre ou dans de petits kiosques installés au vu et au su de tous, partout où ils peuvent disposer d’une connexion Internet stable. L’Autorité ghanéenne de cybersécurité (CSA) a tiré la sonnette d’alarme face à la recrudescence des cyberfraudes, dont les pertes financières s’élèvent à 282.776 dollars entre janvier et mars 2025, soit près du double par rapport à la même période en 2024. Selon les autorités, les escroqueries sont menées par des jeunes, via les réseaux sociaux. Les escroqueries par hameçonnage, l’usurpation de marques et les fausses boutiques en ligne dominent le paysage, les adolescents se faisant passer sur Snapchat et TikTok pour des vendeurs proposant des offres trop belles pour être vraies. Mercy Adumoah, 20 ans, a été victime de l’une de ces arnaques. «J’ai vu une page sur Snapchat qui vendait des talons hauts. J’avais besoin d’une paire pour un événement, alors j’ai payé sans réfléchir», raconte-t-elle. Après avoir reçu l’argent, les vendeurs ont bloqué son compte sur le réseau social. Selon les experts, ces crimes sont devenus systémiques dans un pays dont l’économie se remet encore d’un défaut de paiement de sa dette en 2023. Tricky (surnom), explique avoir commencé les escroqueries en ligne en copiant des scénarios trouvés sur des forums en ligne nigérians. Plus tard, son cousin lui a appris à commettre des fraudes via les services de paiement mobile, en se faisant passer pour un agent de la compagnie de télécommunications locale afin d’accéder aux comptes des particuliers. Tricky affirme que son plus gros coup en deux ans est de 500 dollars, soit deux fois le salaire mensuel d’une infirmière ou d’un enseignant. «J’ai acheté des vêtements, aidé ma mère à payer le loyer», décrit-il. «Je sais que c’est mal, mais que puis-je faire d’autre?». La CSA a signalé une augmentation spectaculaire des fraudes à l’investissement en ligne. Entre janvier et août 2024, 149 cas ont été enregistrés, avec des pertes avoisinant les 128.534 dollars. «Je me suis fait avoir», admet «Bronzy», 18 ans, qui est passé de victime à auteur. «Un type m’a escroqué en utilisant un faux site de conversion de devises. J’ai donc appris le truc». Il dirige désormais un groupe sur Telegram qui promet des rendements hebdomadaires de 20%. «Les gens investissent et je disparais», explique-t-il. Abubakar Issaka, président de l’Association des experts en cybersécurité du Ghana, estime que la situation ne fait qu’empirer. «Les réglementations existent… mais leur application est insuffisante», regrette-t-il. Selon lui, retrouver les auteurs «est difficile en raison du manque d’intégration des données» entre les opérateurs de télécommunications et la base de données nationale d’identification.