Les États généraux de l’information espèrent mobiliser le grand public

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Fiabilité de l’info, indépendance des journalistes, protection des sources: lancés mardi, les Etats généraux de l’information espèrent mobiliser le grand public sur ces questions rendues brûlantes par l’actualité. Promesse de campagne d’Emmanuel Macron, en 2022, ces Etats généraux dureront jusqu’à l’été 2024. Ils aboutiront à des propositions de modifications législatives ainsi qu’à des recommandations. Les Français sont appelés à faire des propositions lors d’une consultation en ligne ouverte jusqu’au 12 novembre, accessible via le site etats-generaux-information.fr. Malgré un périmètre très vaste, les Etats généraux doivent déboucher sur «des propositions concrètes» pour «garantir le droit à l’information à l’heure numérique», a espéré Christophe Deloire, délégué général de leur comité de pilotage indépendant, lors de la conférence de presse de lancement à Paris. «Nous proposerons» mais ce sera «au pouvoir politique de décider», a renchéri le président du comité, Bruno Lasserre, de la Cada (Commission d’accès aux documents administratifs). Selon lui, il s’agit de s’inscrire dans le «temps long». Pour cela, le comité entend donner la «priorité à la participation citoyenne», montée en partenariat avec le Conseil économique, social et environnemental (CESE), selon M. Deloire, par ailleurs secrétaire général de RSF. Intéresser le grand public semble toutefois être une gageure, d’une part car ces questions sont techniques et de l’autre car la perte de confiance dans les médias est une tendance de fond. Outre cette participation citoyenne, les Etats généraux veulent impliquer les professionnels et organiser des auditions. Dans un communiqué, 4 syndicats de journalistes (SNJ, SNJ-CGT, CFDT et FO) ont toutefois dit craindre qu’ils se résument à une «opération de communication», en exigeant d’y être associés. Les Etats généraux s’appuieront aussi sur 5 groupes de travail en cours de constitution: «espace informationnel et innovation technologique», «citoyenneté, information et démocratie», «avenir des médias d’information et du journalisme», «lutte contre les ingérences étrangères» et «Etat et régulation». Parmi les dix priorités listées figure le fait de «s’assurer que les plateformes (comme les réseaux sociaux, ndlr) mettent en place des dispositifs pour la fiabilité et l’information». Egalement prioritaire, la protection du «droit au secret des sources», une question propulsée sur le devant de la scène par la récente garde à vue de la journaliste Ariane Lavrilleux, qui continue d’indigner la profession. Une petite centaine de personnes se sont rassemblées mardi soir devant le tribunal judiciaire de Strasbourg pour exprimer leur soutien à cette autrice d’une enquête sur une mission de l’armée française en Egypte. Autre priorité des Etats généraux, «moderniser les règles en matière de pluralisme et de concentration des médias», alors que nombre d’entre eux appartiennent à quelques milliardaires (V. Bolloré, D. Kretinsky, X. Niel, R. Saadé…). Cela pourrait entraîner une modification de la loi de 1986 sur l’audiovisuel, et un texte est également examiné au niveau européen. Cette question est directement liée à celle de l’indépendance éditoriale, remise en lumière cet été avec la grève au «JDD» contre l’arrivée comme directeur du journaliste Geoffroy Lejeune, marqué à l’extrême droite. Beaucoup y ont vu la main de l’ultra-conservateur Vincent Bolloré, dont le groupe Vivendi est en passe d’avaler Lagardère, propriétaire du «JDD». Selon M. Deloire, le budget des Etats généraux est de 2,9 millions d’euros apportés par l’Etat. Mais le comité de pilotage travaille en toute «indépendance», aussi bien vis-à-vis «de l’exécutif et du Parlement» que «des forces économiques et syndicales», a assuré M. Lasserre.