Les grandes manoeuvres ont commencé dans le secteur des sondages et études de marché

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OpinionWay racheté par Les Echos-Le Parisien, l’Ifop vendu par la famille Dentressangle au fonds LFPI: les grandes manoeuvres ont commencé dans le secteur des sondages et études de marché, bouleversé par la numérisation. Fin juillet, le PDG du groupe Les Echos-Le Parisien, Pierre Louette, a annoncé l’acquisition d’OpinionWay, pour étoffer son offre d’information et de services aux entreprises. La veille, le doyen des instituts de sondage d’opinions et d’études marketing en France, l’Ifop, créé en 1938, est tombé dans l’escarcelle d’un des premiers gestionnaires d’actifs indépendants multi-stratégies en Europe, le groupe LFPI. Dans les deux cas, le montant de la transaction est resté confidentiel. «Extrêmement morcelé en France, l’univers des instituts de sondage est sans doute appelé à se consolider ces prochaines années», prédit Jean-Clément Texier, président de l’Ecole de journalisme et de communication d’Aix-Marseille (EJCAM). Il existe une dizaine d’acteurs de taille importante en France, dont TNS Sofres, Ipsos, CSA, Viavoice, BVA. «Ces deux-trois dernières années, la pandémie de coronavirus a rendu la vie difficile à quelques acteurs», observe de son côté Stéphane Truchi, patron du groupe Ifop, qui prédit lui aussi une poursuite de la concentration du marché. Ces entreprises ne se limitent pas au questionnement politique, mais interrogent également des panels d’individus sur des sujets de société, sur l’intérêt de déployer un nouveau produit sur le marché ou sur des habitudes de la vie quotidienne. Or, comme le soulignait dans son dernier rapport annuel l’institut français Ipsos, qui fait partie des grands leaders mondiaux avec l’américain Nielsen et Kantar, basé à Londres, «la digitalisation des activités et des données est une tendance de fond qui impacte le marché». «Pour les sociétés d’études, cette tendance a pour conséquence d’une part la croissance de la collecte de données en ligne (par internet et par mobile), et d’autre part, la multiplication des sources de données à disposition», constate-t-il. Et d’ajouter: «Les nouvelles technologies et leur application au monde des études ont entraîné l’apparition de nombreux nouveaux concurrents, qui, la plupart du temps, disposent d’offres très automatisées, et ultra-spécialisées sur un segment de marché donné ou une zone géographique donnée». Néanmoins, selon Stéphane Truchi de l’Ifop, la concurrence de nouveaux acteurs comme les Gafa ne devrait pas menacer la survie des instituts: «Notre force, c’est notre capacité d’analyse, nous donnons du sens aux données». Il cite ainsi l’exemple du résultat d’une élection que l’on ne peut pas prédire simplement en regardant les réseaux sociaux. L’Ifop, employeur de 250 personnes et fort d’un chiffre d’affaires de 45 millions d’euros (75% grâce aux études marketing, 25% avec les études d’opinion), espère continuer sa croissance grâce à LFPI. M. Truchi n’exclut pas de nouvelles acquisitions, notamment aux Etats-Unis, où le groupe a de grandes ambitions. «On va vraiment s’y développer sur nos secteurs d’expertises que sont le luxe, la beauté et le bien-être à la personne», explique-t-il. Pour OpinionWay, employeur de 140 salariés et qui a enregistré 20 millions de chiffre d’affaires en 2021, son rachat par le groupe Les Echos-Le Parisien permettrait «d’accélérer son développement et son internationalisation» et d’«investir dans de nouvelles méthodologies et des outils digitaux plus innovants et plus performants».