«Big up les Français!» Nicolas Sarkozy, façon nouveau riche fêtard, interpelle les passants sur la Croisette: les Guignols font leur show à Cannes, où Canal+ impose sa domination dans la couverture télévisée du Festival. De A comme Allen à Z comme Zidane, environ 200 des 380 marionnettes de l’émission ont été déménagées à Cannes le temps du Festival. Pendant les répétitions mardi sous un soleil de plomb, les marionnettistes suent à grosses gouttes en donnant vie à Jacques Chirac pratiquant les arts martiaux pour échapper à la justice, et au footballeur Franck Ribery qui commente sa montée des marches («on a mouillé la chemise pour arriver groupés, mais la saison est encore longue»). La machine est parfaitement huilée: confinés dans un minuscule studio, les imitateurs Yves Lecoq et Daniel Herzog assurent chacun les voix de deux ou trois personnages d’affilée avec une aisance stupéfiante. La principale difficulté consiste à trouver le ton juste pour les nouveaux venus au gouvernement. «Kouchner, je commence à le pratiquer. Fillon, c’est pas passionnant-passionnant», lâche Yves Lecoq en faisant la moue. «C’est pas forcément un bon client, il a l’air assez lisse», confirme à propos du Premier ministre le marionnettiste François Guizerix, celui qui a inventé plusieurs des tics nerveux du personnage Chirac. Sarkozy, c’est mieux évidemment: «il est un peu une caricature lui-même, enfin il l’était, car il a dû prendre beaucoup de cours de comportement», sourit M. Guizerix. Les trois auteurs Ahmed Hamidi, Julien Hervé et Lionel Dutemple – Bruno Gaccio a définitivement décroché – épinglent sans ménagement ce mardi une de leurs cibles favorites, les dirigeants de TF1. «L’émission a toujours été libre et tant qu’elle le sera et qu’on ne fera pas de compromis, je pense que les gens nous feront confiance», confie le producteur artistique Yves Le Rolland, dans la fébrilité qui précède le direct. Les Guignols marquent une ponctuation à mi-parcours dans l’émission «Le Grand Journal» de Michel Denisot, qui consacre quotidiennement près de deux heures de direct en clair, à partir de 19h10, à toute l’actualité du Festival. «L’émission a toujours un peu été la vitrine de la chaîne», relève M. Denisot, et c’est particulièrement vrai pendant le festival: les 6% de part d’audience en moyenne depuis le début de l’année, contre moins de 5% l’an dernier, sont montés en début de semaine à près de 8%. Après avoir fait l’événement pendant la campagne présidentielle – les premières confidences de Ségolène Royal sur ses intentions présidentielles, la gaffe d’Arnaud Montebourg sur François Hollande -, l’émission a «fermé les écoutilles» à Cannes pour oublier la politique et se consacrer au seul Festival. «Le Grand Journal a toujours correspondu à l’état de santé de la chaîne, même s’il n’y a évidemment aucun rapport de cause à effet. Mais aujourd’hui, la chaîne et le groupe pètent le feu, et la tranche également», se félicite M. Denisot. La fusion-absorption du grand rival, le bouquet TPS – qui n’est plus commercialisé depuis le 21 mars – a consacré la suprématie de Canal sur la Croisette. Partenaire officiel du Festival, la chaîne cryptée diffuse en exclusivité les cérémonies d’ouverture et de clôture, et produit la chaîne TV Festival, qui retransmet au quotidien les principaux événements. Canal + a consacré cette année un montant record de plus de 6 millions d’euros pour couvrir la 60e édition du Festival. Un effort qui ne se reproduira «pas forcément dans les années à venir», a cependant prévenu Rodolphe Belmer, le directeur général délégué.