Les plateformes numériques s’engagent à durcir la lutte contre la désinformation

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Les plateformes numériques se sont engagées jeudi à muscler leur lutte contre la désinformation dans l’UE, poussées par Bruxelles qui veut notamment réagir à la «guerre de l’information» de Moscou. Le nouveau code européen de bonnes pratiques contre la désinformation a rallié 33 signataires, soit le double de l’ancienne version datant de 2018: des géants comme Meta, Google, Twitter, Microsoft, TikTok, mais aussi de plus petites plateformes, ainsi que des professionnels de la publicité, des fact-checkers et des ONG comme Reporters sans frontières (RSF) et Avaaz y figurent. Les signataires ont eux-mêmes participé à la rédaction du texte, qui contient une quarantaine d’engagements et des indicateurs permettant d’en mesurer le respect. «C’est un solide paquet de nouvelles mesures qui arrive au moment où la Russie se sert de la désinformation comme d’une arme, dans le cadre de son agression militaire de l’Ukraine», a déclaré la vice-présidente de la Commission européenne chargée de la Transparence, Vera Jourova.  «Cette guerre de l’information n’a pas démarré au mois de février 2022 par cette attaque sauvage de Vladimir Poutine en Ukraine. Il l’avait utilisée depuis bien longtemps déjà pour tout faire pour nous diviser, déstabiliser notre démocratie européenne, du Brexit au vaccin (anti-Covid) en passant par les campagnes électorales au sein de nos divers pays», a renchéri le commissaire européen au Marché intérieur Thierry Breton. Le code précédent ne reposait que sur l’autorégulation, pour des résultats jugés insuffisants par la Commission. Cette fois l’adhésion au code reste volontaire, mais pour les «très grandes plateformes» (atteignant 45 millions d’utilisateurs dans l’UE), il permet de répondre aux obligations fixées par le règlement sur les services numériques (Digital Services Act, DSA). Le DSA -qui devrait entrer en application au 1S 2023, contraint ces plateformes à déployer des efforts pour «réduire les risques» de désinformation et prévoit des amendes pouvant aller jusqu’à 6% de leur c.a. mondial. L’un des engagements principaux consiste à assécher les revenus de la désinformation. «Beaucoup de plateformes utilisent la viralité portée par les fausses informations pour faire de l’argent, c’est totalement inacceptable», a fustigé Thierry Breton. «Des engagements sont pris dans le code de conduite; espérons qu’ils seront suivis d’effet, si ce n’était pas le cas dès que le DSA entrera en vigueur nous aurons les moyens d’agir», a-t-il prévenu. Dans le code, les plateformes qui font du placement publicitaire, comme Google, s’engagent à éviter de diffuser ces annonces près de contenus conspirationnistes et à vérifier les sites sur lesquels elles s’affichent. Elles doivent aussi à s’attaquer aux publicités contenant des infox. Les signataires doivent fournir aux utilisateurs des outils pour identifier et réagir aux informations fausses ou trompeuses, et coopérer plus étroitement avec les fact-checkers, dans toutes les langues des pays de l’UE. Ils s’engagent aussi à soutenir le travail des chercheurs sur la désinformation, en leur permettant l’accès à des données anonymisées et agrégées. A la différence des contenus illégaux, il ne s’agit pas de retirer des infox -ce qui se heurterait au principe de liberté d’expression-, mais de promouvoir les sources d’information fiables. Les plateformes s’engagent aussi à être plus transparentes sur les publicités politiques, en les identifiant clairement comme telles. Les signataires promettent de mieux lutter contre les faux comptes, l’amplification de la désinformation par des «bots», les usurpations d’identité et les «deepfakes» malveillants. L’Association des télévisions privées en Europe (ACT) qui compte parmi ses membres Canal+ et TF1, a quant à elle critiqué le nouveau code, estimant que son élaboration «manquait de transparence» et que les engagements étaient insuffisants «pour juguler le flot de désinformation en ligne».