Les télécoms, les médias, et maintenant les ventes aux enchères, où s’arrêtera Patrick Drahi ?

649

Le rachat de Sotheby’s est le dernier pari de l’insatiable milliardaire, qui a en quelques années à peine bâti un empire et accumulé une montagne de dettes. Si l’entrepreneur franco-israélien est admiré pour son ascension fulgurante, ses montages financiers effraient l’establishment français tandis que ses méthodes de gestion sont dénoncées par les syndicats. «Patrick Drahi est une personnalité qui dérange car il va vite. Et effectivement il va très vite», expliquait fin 2017 Stéphane Dubreuil, président de Stallych Consulting. A cette époque, le groupe Altice constitué à coût d’acquisitions par Patrick Drahi trébuche en bourse, la dette accumulée par le groupe au fur et à mesure de sa croissance accélérée ayant fini par effrayer les marchés. Patrick Drahi éjecte le DG du groupe, Michel Combes, et reprend les commandes. La filiale Altice USA en bonne santé financière est séparée des activités du groupe en Europe, regroupées dans un ensemble baptisé Altice Europe NV. Celle-ci se lance dans un programme de ventes d’actifs, cédant par exemple partiellement les pylônes de ses réseaux de téléphonie mobile en France et au Portugal. La Bourse observe, pas encore convaincue. Le titre Altice Europe qui avait plongé à 1,6 euro remonte depuis décembre 2018 mais reste encore juste sous la barre des 3 euros, alors qu’il avait atteint les 3,5 euros il y a un an, après la scission des activités américaines et européennes. Cette fois-ci, souligne M. Drahi, l’investissement dans Sotheby’s est personnel, et doit être financé par des cessions d’actions d’Altice et par un emprunt auprès de la BNP-Paribas. La 9ème fortune française, selon le classement 2019 du magazine américain «Forbes», est aussi un passionné d’art depuis l’enfance, explique-t-on dans son entourage. «Il a une approche académique, avec la construction d’une collection sans faute, mais il est aussi capable d’achats très impulsifs», confirme Thierry Ehrmann, le PDG d’ArtPrice. «Il a aussi acheté des Chagall assez spectaculaires». Né à Casablanca le 20 août 1963, fils de professeurs de mathématiques, Patrick Drahi est arrivé en France à l’âge de 15 ans. Après l’école Polytechnique à Paris, il commence sa carrière au sein de Philips, puis est embauché par UPC, filiale européenne de Liberty Global, le groupe de John Malone, le roi du câble américain qu’il prend pour modèle. Puis mettant à profit ses talents d’ingénieur et de financier habile, il se met à son compte en rachetant un à un de petits câblo-opérateurs régionaux en mauvaise posture. En France, il bâtit discrètement Noos, qui deviendra Numericable. Mais c’est l’acquisition de SFR, une cible 8 fois plus grosse (13,4 milliards d’euros), qui le propulse sur le devant de la scène en mars 2014, après une bagarre homérique contre Bouygues. L’année suivante il continue son expansion aux Etats-Unis en s’offrant Suddenlink, le 7ème câblo-opérateur américain (9 milliards de dollars) puis Cablevision (17,7 milliards de dollars). En Europe il avale aussi Portugal Telecom (7,4 mds d’euros), et achète dans la foulée le groupe d’audiovisuel portugais Media Capital. En France il a étoffé son portefeuille de médias en reprenant «Libération», «L’Express» et BFMTV, qui fournissent des contenus pour ses clients fixe et mobile, ce qui permet aussi à Patrick Drahi de renforcer son poids dans le paysage médiatique. Sa gestion à coup de suppressions d’emplois et de coupes drastiques dans les budgets lui a valu de farouches adversaires chez les syndicats. Son statut de résident fiscal en Suisse, où il habite avec sa famille depuis ses 35 ans, et la cotation de son groupe à Amsterdam, sont aussi pointés du doigt par ses détracteurs, même si ses actifs français sont toujours enregistrés en France. Le classement 2019 de «Forbes» valorise ses actifs à 6,8 milliards de dollars, en net recul par rapport au classement de 2017 ou ceux-ci était estimés à 13 milliards.