Les théories complotistes sur la pandémie servent les intérêts d’influenceurs stars

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Sur les réseaux sociaux, les théories complotistes sur la pandémie servent les intérêts d’influenceurs stars, suivis par des millions de personnes. L’ex-candidate de l’émission de téléréalité «Les Marseillais», Kim Glow, se sert d’Instagram pour interpeller son million d’abonnés sur les prétendus dangers des vaccins anti-Covid qui injecteraient une puce 5G. Des infox sur la vaccination ou le masque saluées par des internautes comme un «langage de vérité». Des théories pourtant infondées scientifiquement. Musique entraînante, danses, hashtags abondamment repris: «Ces influenceurs ont une parfaite connaissance des réseaux sociaux», analyse Sylvain Delouvée, maître de conférences en psychologie sociale à l’université Rennes 2. Selon lui, «ils vont simplement utiliser les recettes habituelles, à base d’histoires personnelles pour interpeller, une mise en image léchée, un rythme saccadé, des transitions soignées; ainsi ils contribuent à la popularisation et à la banalisation des discours complotistes». Ces influenceurs ont plus de chances de toucher les jeunes générations, qui vont «sur les réseaux sociaux pour chercher des informations», commente Romy Sauvayre, sociologue des croyances à l’université de Clermont Auvergne et au CNRS. 66% des moins de 35 ans s’informent d’abord sur Internet, notamment sur leur téléphone, selon un sondage sur la confiance des Français dans les médias publié dans «La Croix» en janvier. «Or, dans la dynamique de diffusion des croyances, un point important est la confiance que l’on accorde à l’individu qui va nous soumettre à une croyance. Si j’adhère à un influenceur parce que je le suis tous les jours, la probabilité que je croie ce qu’il me dit est plus importante», pointe Mme Sauvayre. Snapchat et Instagram, les 2 réseaux sociaux préférés des 16-25 ans, assurent avoir pris de nouvelles mesures pour lutter contre les infox sur la pandémie. «La désinformation en matière de santé est un problème que nous prenons très au sérieux», a indiqué Facebook, propriétaire d’Instagram, sans toutefois donner d’exemples de sanctions contre des influenceurs. «Le contenu sur Snapchat est éphémère, ce qui rend beaucoup plus difficile la diffusion virale de fausses informations», affirme cette application. Un format qui permet aussi aux influenceurs d’échapper à la modération et au débat: «Les formats stories (qui disparaissent au bout de 24h) évitent d’avoir du contenu qui peut être retrouvé, car si vous laissez une trace écrite, on peut relever l’archive et trouver une contradiction», analyse Sylvain Delouvée. Ce format n’autorise pas non plus les commentaires. Ces influenceurs, dont la rémunération dépend de leur audience, «savent que partager la dernière thèse antivax va générer des surréactions», argue Olivier Ertzscheid, maître de conférences en sciences de l’information à l’université de Nantes. «Or, le modèle économique de ces plateformes fait que pour monétiser des contenus, la prise en compte de ces interactions est déterminante: c’est ce qui fait venir de nouveaux annonceurs et augmenter la rémunération auprès des régies publicitaires». Face à cela, «le cadre sur la désinformation européen est actuellement très léger», regrette Enguerrand Marique, coauteur de «La régulation des fake news et avis factices sur les plateformes». «Il n’y a pas de sanctions si le code de conduite n’est pas mis en oeuvre par ces acteurs privés, ce sont plutôt des règles d’incitations à agir. Et, par peur de se voir réclamer des dommages et intérêts en cas d’erreur, ces plateformes surfent sur la liberté d’expression pour laisser partager des mauvaises informations qui peuvent porter atteinte à la santé publique». L’unique menace pesant sur les influenceurs complotistes est de perdre des partenariats rémunérés avec des marques qui décideraient de se retirer sous la pression populaire.