L’hôpital n’en finit pas d’inspirer des séries qui alertent sur le difficile quotidien des soignants

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«Hippocrate», «Doc», «This Is Going To Hurt»: l’hôpital n’en finit pas d’inspirer des séries qui alertent toutes sur la nécessité de mieux prendre soin des soignants. Alors que l’Europe tourne lentement la page du coronavirus, le petit écran montre à travers des fictions le difficile quotidien des urgentistes, chirurgiens et infirmières. La saison 2 de la série française «Hippocrate» avait présenté un service mal préparé à un afflux de patients à soigner en urgence après la rupture d’une canalisation d’eau. Le Covid n’y apparaissait qu’en épilogue. Son créateur, Thomas Lilti, a indiqué préparer une troisième saison, qui devrait sortir «fin 2023» et dont «le sujet ne sera pas la pandémie». Produit par la BBC, «This Is Going To Hurt» (ça risque de faire mal) suit elle les déboires d’Adam, un gynécologue-obstétricien, qui entame une carrière dans la hiérarchie hospitalière. La saison 2 de «Doc», une série italienne de la RAI raconte les mésaventures de l’équipe d’un médecin urgentiste dans un hôpital à Milan, juste avant et après la première vague de la pandémie, mais pas pendant. A l’origine de la création de ces trois fictions se trouve à chaque fois un médecin qui s’inspire de sa propre expérience, ce qui explique sans doute leur réalisme. En cela, elles rappellent la série américaine des années 1990 «Urgences», dont le scénario était basé sur la propre histoire de Michael Crichton, interne en médecine avant de se lancer dans l’écriture. Tel est le parcours de Thomas Lilti, docteur généraliste français avant d’être créateur, réalisateur et scénariste. Il est d’ailleurs retourné à l’hôpital prêter main forte quand le tournage de la saison 2 d’»Hippocrate» a été interrompu pendant le premier confinement du printemps 2020. «This Is Going to Hurt» est basée sur les mémoires éponymes d’Adam Kay, qui a exercé comme gynécologue-obstétricien dans un hôpital public avant de se reconvertir dans l’écriture avec un best-seller multirécompensé, traduit en 37 langues. Quant à «Doc», cette fiction est inspirée de l’histoire vraie de Pierdante Piccioni, un médecin urgentiste qui a perdu la mémoire après un accident de voiture. Il a recommencé à travailler avec des qualités amplifiées, telle que l’empathie. Pour Thomas Lilti, il s’agissait avec «Hippocrate» de montrer l’engagement des soignants. «Ils sont prêts à tous les sacrifices. Ce qui me met en colère, c’est le sentiment qu’on ne les protège pas assez», a-t-il expliqué lors d’un débat à Séries Mania, le plus grand festival des séries d’Europe, qui dure jusqu’à vendredi à Lille, en France.Cette détresse du soignant est particulièrement visible dans la tragicomédie «This Is Going To Hurt» où l’on voit Adam, incarné par Ben Whishaw (Skyfall, le nouveau Q dans la saga de James Bond), au bord de l’épuisement, pleurer tout seul dans les vestiaires. Selon le patron de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, Martin Hirsch, qui débattait avec Thomas Lilti: ces séries «distordent un peu la réalité en la caricaturant». «Les services ne sont pas chroniquement aussi dysfonctionnels tout le temps», estime-t-il. «En revanche, je pense que rien n’est faux: tous les dysfonctionnements que l’on voit ont existé à un moment ou à un autre et sont problématiques», admet-il.Thomas Lilti a par ailleurs critiqué la façon de sélectionner les étudiants en médecine en France: «On va avoir les élèves les plus scolaires, les plus studieux qui réussissent les concours. Mais ce ne seront pas forcément les meilleurs médecins».