L’interdiction d’un film aux moins de 18 ans rarement attribuée à un documentaire

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Il est extrêmement rare que l’interdiction aux moins de 18 ans, réservée habituellement aux films jugés trop violents ou trop pornographiques, touche un documentaire, comme «Salafistes» mercredi dernier. L’interdiction aux moins de 18 ans, qui implique généralement une interdiction sur les chaines de télévision en clair, a touché, depuis le début des années 2000, une douzaine de films présentant des scènes jugées trop violentes ou/et trop pornographiques (comme «Baise-moi» de Virginie Despentes en 2000 ou «Polissons et galipettes» en 2002).
Le plus récent documentaire ayant été interdit aux moins de 18 ans est le film de Raphaël Siboni «Il n’y a pas de rapport sexuel» paru en 2012 et portant sur les coulisses du cinéma X.
Deux documentaires ont en revanche subi dans un passé plus lointain des interdictions pures et simples. «Histoires d’A», réalisé en 1973 par Charles Belmont et Marielle Issartel, militant pour la libéralisation de l’avortement, avait ainsi été interdit à la diffusion par Maurice Druon, alors ministre des Affaires culturelles. Ayant même fait l’objet d’interventions de la police, lors de diffusions privées notamment à Cannes en 1974, il ne sera finalement autorisé que quelques mois plus tard, en novembre, peu avant l’ouverture du débat sur la future loi Veil. Un autre documentaire a aussi subi la censure, se voyant refuser, en 1962, son visa d’exploitation: «Octobre à Paris» de Jacques Panijel. Le film est consacré à la répression meurtrière d’une manifestation d’Algériens organisée par le FLN, le 17 octobre 1961 à Paris. Il y avait eu plusieurs dizaines de morts et des centaines de blessés, victimes de la brutalité de la police dirigée par Maurice Papon, alors Préfet de police. Il n’obtiendra son visa d’exploitation qu’en 1973.
Un cas à part est celui du documentaire «Nuit et Brouillard» d’Alain Resnais, sorti en 1955 après que la commission de censure ait exigé la retouche de certaines images pour amoindrir les responsabilités de l’État français.
Pour les films de fiction, depuis 1945, ce sont surtout des oeuvres évoquant les guerres de décolonisation qui ont été interdites. «Le Rendez-vous des quais» de Paul Carpita, tourné entre 1950 et 1953, en pleine guerre d’Indochine, est interdit en 1955 après une 1ère présentation. Sa véritable sortie n’aura lieu qu’en 1990. De même le film «La Bataille d’Alger» de Gillo Pontecorvo (1966), un des premiers à relater les coulisses de cette guerre de décolonisation, est interdit jusqu’en 1970 et ne sera vraiment diffusé qu’en 2004. Le film «Les Sentiers de la Gloire» de Stanley Kubrick (1957) qui relate les mutineries dans l’armée française pendant la guerre de 1914, ne recevra son visa d’exploitation en France qu’en 1975. Dans les années 60, «La Religieuse» de Jacques Rivette, d’après Diderot, a davantage relevé de la censure morale. Dès sa conception, l’oeuvre de Rivette avait provoqué la polémique, la hiérarchie catholique mais aussi les associations de parents d’écoles privées dénonçant «un film blasphématoire». Le film se verra refuser son visa d’exploitation par deux ministres successifs, Alain Peyrefitte puis Yvon Bourges avant qu’il lui soit finalement accordé en 1967, assorti d’une interdiction aux moins de 18 ans. La décision du Conseil d’État d’annuler la censure du film n’interviendra qu’en 1975.