Marseille : du froid à moindre frais pour éviter la surchauffe des centres de données

271

Du froid à moindre frais dans une ville méditerranéenne, une gageure? Pour éviter la surchauffe aux serveurs hébergés dans ses centres de données à Marseille, la société Interxion France utilise l’eau de ruissellement d’une ex-mine de charbon. «Les data centers (centres de données, NDLR), ça a besoin de froid. En général, dans le monde, un data center moyen consomme à peu près autant d’énergie pour faire son boulot de data center pour ses clients que pour se refroidir», rappelle Sylvie Jéhanno, PDG de Dalkia, une filiale d’EDF qui a participé à la conception du projet de «River cooling» d’Interxion à Marseille. «La façon facile de faire du froid, c’est le groupe clim classique» mais «qui consomme beaucoup d’électricité», poursuit-elle, en précisant que les centres de données – où sont stockés documents, mails et photos des ordinateurs et autres smartphones – doivent bénéficier d’une température de 25 degrés à peu près. Certaines entreprises installent donc leurs serveurs dans des pays aux températures plus froides, comme dans la province canadienne du Québec. Mais à Marseille, ville où les hivers sont courts et les étés très chauds avec des températures dépassant régulièrement les 30 degrés, difficile d’imaginer pouvoir se passer complètement de climatisation pour les centres de données. C’est pourtant le cas chez Interxion, l’un des leaders mondiaux du secteur, qui compte trois – bientôt quatre – centres de données sur le grand port maritime de la deuxième ville de France, dont il a eu l’idée d’utiliser l’une des ressources naturelles. Non pas l’eau de mer mais celle d’une rivière souterraine s’écoulant dans la «galerie de la mer», une installation creusée à la fin du XIXe siècle qui servait originellement à évacuer vers la mer les eaux de ruissellement de l’ancienne mine de charbon de Gardanne, à 15 km de là. Elle est également alimentée par une nappe phréatique issue des eaux d’infiltration. Son principal atout: être à 15 degrés toute l’année quand l’eau de la Méditerranée, outre les problèmes de corrosion qu’elle pose, affiche bien souvent des températures supérieures. «Cela marche depuis le 30 juillet et nous fonctionnons 99,9% du temps avec le «River cooling»», s’est félicité Linda Lescuyer, directrice énergie d’Interxion France, même si des groupes froids (climatisation) sont toujours prêts à prendre le relais en cas de défaillance. La région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, avec l’Ademe, ont participé au financement des 15 millions d’euros du projet. «On estime que, grosso modo, le secteur du numérique représente 3 à 4% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde» et «au sein de cet univers du numérique, les data centers sont estimés à entre 15 et 20% de cet impact», relève Fabrice Coquio, le président d’Interxion France. L’indicateur permettant de mesurer l’efficacité énergétique d’un centre de données est le «Power Usage Effectiveness» (PUE), soit le rapport entre l’électricité totale qui parvient au centre de données et l’électricité qui est utilisée uniquement pour le fonctionnement des serveurs. Plus ce ratio se rapproche de 1, plus le centre de données est considéré comme efficient sur le plan énergétique. «Sur les 350 plus gros data centers présents en France, seulement 19% ont un PUE inférieur à 1,6», estime M. Coquio. «Avec notre solution de River cooling, nous sommes avec un PUE inférieur à 1,2, déjà constaté en plein mois d’été». Mais la seule façon de réduire encore davantage «l’empreinte des data centers, relève Frédéric Bordage, expert indépendant en numérique responsable et fondateur de GreenIT.fr, c’est de faire en sorte que chaque traitement qui s’y exécute, chaque donnée qui est stockée ait un intérêt», et donc que les utilisateurs fassent aussi le tri dans ce qu’ils stockent dans le «cloud».