P. BLASSEL (Hadopi) : «49 % d’internautes sont abonnés à un service de VàDA en 2021»

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Depuis 2009, l’Hadopi agit en faveur de la protection et de la diffusion de la création sur internet. Elle lutte ainsi contre le piratage en ligne de l’ensemble des œuvres culturelles protégées par un droit d’auteur dans les domaines de l’audiovisuel, de la musique, du livre numérique ou du jeu vidéo. Comme chaque année, un baromètre de la consommation de biens culturels dématérialisés est réalisé et apporte un éclairage sur la consommation des Français. Entretien avec Pauline BLASSEL, Secrétaire générale de l’Hadopi.

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Quelles sont les données marquantes du baromètre de la consommation de biens culturels dématérialisés ?

PAULINE BLASSEL

Ce qui a retenu notre attention en 2021, c’est d’abord la très forte progression des abonnements de vidéos à la demande. Cela fait longtemps que l’offre légale dans le domaine audiovisuel se développe. Cette-fois ci, on constate un effet positif lié non seulement au confinement mais aussi à la qualité du développement des offres de SVOD. La progression est très significative. Les abonnements payants se généralisent, et c’est donc un signal très fort pour le développement de l’offre légale. Le nombre d’abonnés à des offres de musique, de vidéo à la demande par abonnement, ou de télévision payante concerne près des deux tiers des internautes (65%). Cette pratique de l’abonnement est donc rentrée dans les habitudes du consommateur.

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Malgré les offres de SVOD qui se démultiplient, l’effet de saturation sur les abonnements ne semble pas encore observé…

PAULINE BLASSEL

Pour l’instant, non. La diversité de l’offre demeure un facteur de séduction pour les consommateurs. En 2021, la consommation de biens culturels dématérialisés se stabilise et concerne 83% des internautes. Cela étant, ça n’empêche pas que des gens soient abonnés à des offres légales, et piratent en parallèle.

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Quels sont les nouveaux moyens de détournement de l’offre légale ?

PAULINE BLASSEL

Les DNS alternatifs. Ce sont des services qui permettent de convertir un nom de domaine en une adresse IP. Cette pratique concerne un internaute sur cinq (19%). C’est un usage que l’on connaît mais on ne s’attendait pas à un tel niveau de pratique. Certains services illicites en font la promotion. Il y a aussi des pratiques comme le stream ripping que nous devons arriver à contenir.

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Quels sont les secteurs les plus touchés par la consommation illicite ?

PAULINE BLASSEL

En valeur absolue, l’audiovisuel (films, séries). En revanche, la musique et notamment le sport font l’objet, sur ce baromètre 2021, d’une progression. Le sport est clairement un secteur tendu. Même si nous regrettons ce constat, nous ne sommes pas surpris par la progression. La loi qui renforce le dispositif de lutte contre le piratage dans l’audiovisuel et le sport a été votée. Mais les moyens de lutte n’ont pas encore été déployés. Concernant la musique, cela faisait longtemps que les pratiques illicites allaient en diminuant. Un internaute sur cinq (21%) a aujourd’hui accès à un abonnement de musique au sein de son foyer (+2 points par rapport à 2020 et +6 points par rapport à 2019). Avec la reprise du piratage, il peut y avoir un effet conjoncturel, notamment avec la fermeture des salles de spectacles.

MEDIA +

Vers qui est tournée votre action ?

PAULINE BLASSEL

La démarche est de neutraliser les organisations de pirates industriels. C’est l’esprit de la loi qui vient d’être votée. Nous voulons nous attaquer aux sources du piratage et aux acteurs qui en tirent un profit économique. La loi sera effective le 1er janvier 2022. Les ayants droit pourront ainsi saisir le juge pour obtenir le blocage des services pirates, et nous pourrons prendre le relai pour actualiser sa décision.

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Entre des abonnements SVOD en progression, et le piratage qui augmente, comment expliquez-vous ce paradoxe ?

PAULINE BLASSEL

Ce qui sous-tend ces deux évolutions, c’est l’augmentation de fond de la consommation de biens culturels en ligne. Elle a clairement franchi un cap pendant le confinement et elle n’est pas redescendue. Les consommateurs se sont tournés vers la culture en ligne. Finalement, la hausse de la consommation a eu une double conséquence : une progression des abonnements d’une part, et celle du piratage (dans la musique et le sport) d’autre part. Cette augmentation de la consommation ne se traduit donc pas par un accroissement général du piratage.

MEDIA +

Le piratage est-il toujours aussi lié aux jeunes utilisateurs ?

PAULINE BLASSEL

La pratique illicite touche majoritairement les plus jeunes, mais elle s’est aussi démocratisée. La pyramide des âges s’est élargie.

MEDIA +

A partir du 1er janvier, l’Hadopi intègre l’ARCOM. Du changement en vue ?

PAULINE BLASSEL

Oui, cette fusion va donner plus de forces à nos actions. L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique aura une compétence élargie sur la chaîne de la création, mais aussi dans le domaine numérique.