Quel avenir pour la réforme de l’audiovisuel public?

357

Repoussé sine die en raison de la crise sanitaire, cet ambitieux texte porté par le ministère de la Culture pourrait finalement ne pas voir le jour. Préparée depuis plus de deux ans et maintes fois repoussée, cette réforme lancée par l’ancienne ministre de la Culture Françoise Nyssen et reprise par son successeur Franck Riester aurait dû être examinée à partir du 31 mars à l’Assemblée nationale. Un texte aux nombreuses facettes, censé aboutir à la plus grande réforme dans l’audiovisuel depuis la loi Léotard de 1986. Mais le calendrier parlementaire, bousculé par le Covid-19, a été remis à plat. Selon «Le Figaro», la loi audiovisuelle n’est «plus une priorité» et ne devrait pas être discutée. Les sujets «urgents» comme la publicité ciblée ou la transposition de la directive SMA, qui met à contribution les plateformes de streaming pour financer la création européenne, seraient pris par ordonnances ou par décrets. Le quotidien mentionne également un texte prévoyant un rééquilibrage des relations entre les producteurs et les diffuseurs (un sujet qui devait faire partie de la réforme), ainsi que des mesures d’urgence pour venir en aide aux médias durement frappés par la crise, notamment un crédit d’impôt publicité, réclamé par le secteur. Au ministère de la Culture, on estime qu’il est «trop tôt» pour commenter ces scénarios. Mais selon des sources proches du dossier, le volet audiovisuel public de la réforme, qui prévoit de regrouper France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’Ina au sein d’une société holding commune, France Médias, serait jugé trop lourd et trop coûteux dans le contexte actuel. Les mesures plus consensuelles, comme la transposition de la directive SMA, les dispositions relatives aux droits d’auteur ou la création d’un nouveau régulateur, l’Arcom (fusion de la Hadopi et du CSA) pourraient faire l’objet d’ordonnances. Les mesures plus économiques, comme la relation entre producteurs et diffuseurs ou la lutte contre le piratage pourraient être intégrées à une grande loi post-Covid, avant l’été. Le président Emmanuel Macron s’était engagé début mai à ce que la directive SMA soit transposée avant la fin 2020 mais n’avait pas évoqué les autres points de la réforme, notamment le sensible volet concernant l’audiovisuel public. «Tous les groupes privés et publics en Europe s’organisent aujourd’hui en plurimédia, pour répondre aux spécificités de la diversité de la demande. Nous voulons satisfaire tous ces objectifs le plus rapidement possible, mais nous devons faire avec un agenda parlementaire qui est forcément perturbé», avait souligné de son côté Franck Riester dans un entretien au «Film Français» paru fin mai. L’abandon de la loi audiovisuelle pourrait aussi se traduire par le maintien de France 4 et France Ô, censées quitter la TNT début août. A la demande du ministre, France Télévisions a présenté une nouvelle grille de programmes pour France 4 dans l’éventualité où la chaîne, dont le programme éducatif a été très consulté par les scolaires pendant le confinement, serait maintenue.La décision devrait être rendue prochainement. Autre conséquence du report ou de l’abandon de la réforme audiovisuelle, le nouveau mandat à la présidence de France Télévisions, qui doit débuter cet été et aurait été écourté par la réforme, conserverait sa durée initiale de 5 ans. Delphine Ernotte, candidate à un renouvellement, ferait dès lors face à davantage de concurrents. Ses challengers ont jusqu’au 10 juillet pour envoyer leur candidature au CSA qui se prononcera au plus tard le 24 juillet. Deux autres candidats se sont déclarés: le représentant du SNJ à France TV, Serge Cimino, qui s’était déjà présenté en 2015, et Pierre-Etienne Pommier, conseiller numérique du groupe LREM à l’AN. L’ancien patron de RTL Christopher Baldelli ainsi que l’actuel patron de la RTBF Jean-Paul Philippot seraient aussi intéressés, selon «Le Monde».