Stars des médias chinois, des étrangers dénoncent aujourd’hui les «mensonges» et la «propagande» de l’Occident sur le Xinjiang comme, en d’autres temps, des intellectuels prenaient fait et cause pour la Chine maoïste. Beaucoup moins connus que le journaliste américain Edgar Snow par exemple au XXe siècle, mais sortis de l’ombre grâce à la caisse de résonance des médias sociaux et de sites «alternatifs», ces défenseurs du régime de Xi Jinping, généralement d’extrême gauche, sont abondamment cités par les médias d’État chinois, friands de cette caution venue de l’étranger. Auteur d’un ouvrage intitulé «Ouïghours, pour en finir avec les fake news», fruit de deux voyages au Xinjiang organisés par les autorités chinoises, Maxime Vivas, un ergonome français à la retraite, a même été adoubé par le ministre chinois des Affaires étrangères. Maxime Vivas «nous raconte un vrai Xinjiang prospère et stable (…). Il dit clairement dans son livre que ce sont ceux qui n’ont jamais mis le pied au Xinjiang qui fabriquent des fake news et font courir des rumeurs», a lancé Wang Yi début mars. Vivas (2.500 abonnés sur Twitter), l’Américain Max Blumenthal (225.000 abonnés Twitter) du site Grayzone, des YouTubers/vloggers vivant en Chine comme le Canadien Daniel Dumbrill ou l’Israélien Raz Gal-Or (1,7 million d’abonnés sur le réseau chinois Weibo), et bien d’autres belges ou britanniques racontent un Xinjiang conforme au récit chinois, où la culture ouïghoure fleurit, avec des «centres de formation professionnelle» et non les camps d’internement massifs dénoncés par des experts et des ONG. Ou, s’ils ne nient pas l’existence de camps, ils les justifient par la nécessité de lutter contre le «terrorisme islamique» et le séparatisme dans cette région du Nord-Ouest de la Chine où des attentats meurtriers ont été recensés ces dernières décennies. Les discours dénoncent «l’impérialisme américain» et une vaste «manipulation» de la CIA et d’ONG «soutenues par la National Endowment for Democracy», fondation financée notamment par des agences gouvernementales américaines. Mais dans leur propre pays, leurs auteurs sont brocardés comme des «idiots utiles» – expression qualifiant les Occidentaux sympathisants de l’URSS apparue au début du XXe siècle -, des «sino-béats», «négationnistes» voire propagateurs de théories conspirationnistes. «Ils se connaissent les uns les autres, se relaient, tout cela c’est la même tambouille», commente Tristan Mendès France enseignant et membre du site français L’Observatoire du conspirationnisme, en évoquant le côté «sulfureux» de ces étrangers et de certains sites relayant des théories complotistes, notamment sur le 11 septembre. «C’est, de la part de la Chine, une stratégie qu’on a vue très régulièrement de la part des médias russes: donner la parole aux étrangers pour pousser leur propre agenda. Ils ont même donné la parole à Damien Viguier», l’avocat du parti français d’extrême droite Rassemblement National qui a livré au «Quotidien du peuple» tout le mal qu’il pensait de la France, note-t-il. «C’est une stratégie d’enveloppement, utilisant comme leviers des courants a priori contraires pour donner l’illusion d’une unanimité autour des positions chinoises», confirme le sinologue Emmanuel Lincot, professeur à l’Institut catholique de Paris. «La Chine instrumentalise ces idiots utiles, des petits calibres à la capacité de nuisance non négligeable», d’autant qu’ils «s’appuient sur de vraies «incohérences occidentales», estime-t-il. Par exemple, «on soutient les Ouïghours – certes, d’une manière intéressée, pour contrer le régime chinois – et, dans le même temps, les Occidentaux interviennent militairement dans des pays musulmans, tandis qu’il n’y a pas tellement de soutien à des minorités chrétiennes persécutées en Chine ou au Moyen-Orient…».
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