StopCovid: débat houleux en vue au Parlement sur l’outil de traçage numérique

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Le secrétaire d’Etat au Numérique Cédric O en a fait son cheval de bataille: le Parlement doit se prononcer mercredi sur l’application pour smartphone StopCovid, outil de traçage de contacts censé aider à endiguer l’épidémie, mais qui suscite des critiques jusque dans la majorité. Sur la base du volontariat, cette appli permettrait à une personne positive au coronavirus d’alerter automatiquement tous les utilisateurs avec lesquels elle a eu un «contact prolongé» récemment, à moins d’un mètre et durant plus de 15’, afin qu’ils se fassent tester à leur tour. La déclaration du gouvernement suivie d’un débat et d’un vote aura lieu ce mercredi après-midi à l’Assemblée, puis en soirée au Sénat à majorité de droite. «Ce sera assez clivé, dans l’ensemble des groupes», pronostique une source parlementaire. «Sous réserve du vote au Parlement, l’application pourra être disponible dès ce week-end», afin d’accompagner la 2ème phase du déconfinement le 2 juin, a indiqué Cédric O au «Figaro». Il s’appuie sur le feu vert mardi de la Commission nationale informatique et libertés (Cnil) qui estime que StopCovid respecte la législation relative à la vie privée. Fin avril, le Premier ministre Edouard Philippe, qu’on dit circonspect sur le sujet et qui sera absent mercredi, avait promis un débat et un vote «spécifiques», afin de répondre aux inquiétudes sur les libertés publiques. Ces votes, au titre de l’article 50-1 de la Constitution, n’ont cependant pas de valeur contraignante, mais une forte dimension symbolique. Surtout pour le secrétaire d’Etat Cédric O, qui a enchaîné les visioconférences avec les parlementaires pour les convaincre de l’utilité du projet, testé récemment par des militaires. Il a insisté sur le caractère volontaire, anonyme et temporaire de cette application «sanitaire», qui ne nécessite pas de changement législatif. Et sur l’absence de géolocalisation grâce à un fonctionnement par la fonction Bluetooth du téléphone. Encore faut-il que l’outil soit massivement téléchargé et qu’il fonctionne sur les différents modèles, ce qu’assure Cédric O, y compris pour les iPhone d’Apple. Il resterait toutefois encore quelques problèmes techniques avec certains «vieux téléphones» et des modèles de la marque à la pomme. Contrairement à d’autres pays, le gouvernement a choisi de ne pas passer par les solutions proposées par Google et Apple, et de recourir à un outil bâti par des chercheurs d’Inria, l’institut français de recherche en informatique. Le secrétaire d’Etat fait de la défense de la «souveraineté numérique» face aux géants américains un argument politique pour lever les réticences de certains. Mercredi, une large part des «marcheurs» devrait soutenir l’exécutif, comme Catherine Osson, qui regrette «beaucoup de postures» chez les opposants. Mais le chef de file des députés LREM Gilles Le Gendre «n’exclut pas» abstentions et votes contre. «C’est une question de principe. Je ne suis pas pour ce type d’outils», dit par exemple Sacha Houlié. «Et l’expérience dans les autres pays a montré que ce n’était pas efficace», avance-t-il. A gauche, les différents groupes s’y opposent, à l’image du communiste Pierre Dharréville, qui redoute un glissement vers une «surveillance généralisée». La droite semble partagée: «massivement contre» à l’Assemblée, mais plutôt pour au Sénat, avec une liberté de vote. Le patron des députés LR Damien Abad critique une «appli gadget sortant 15 jours après le déconfinement», et souligne les «interrogations sur les libertés individuelles». «Cédric O a voulu aller au bout, comme il est sur le devant de la scène pour la première fois», glisse une source parlementaire. Mais «il n’y a pas de miracle technologique. Cela doit être un outil dans la boîte à outils, dans une stratégie plus globale». Et «la question en suspens est l’adhésion des Français».